jeudi 13 septembre 2012

Ghislain


Et je ressusciterai d'entre les morts...
J’avais quasiment oublié la sensation que cela fait de descendre une côte à vélo le poil de jambe au vent. Délicieux.

Avec seulement un bras fonctionnel au cours des dernières semaines, loin de moi les obligations de l’éradication capillaire, de même que le vélo. Mais voilà que ma bien aimée monture de route ressuscite d’entre les morts, pour quelques randonnées montréalaises.

J’aime bien le mont Royal. On y croise un amalgame de cyclistes de toutes espèces. Des vieux, des jeunes, des vites, des pas vites, des pros, des cyclotouristes. Même seul, avec un peu de chance, quelques sympathisants veulent toujours se faire une petite partie de grimpette. Celui qui arrive en haut le moins essoufflé gagne.



Aussi, cette butte est l’habitat naturel de quelques braves qui, instinctivement, vous étiquettent comme défi potentiel. Je prends ta roue et je ne la lâche pas quoiqu’il arrive.

Cette semaine, je m’en suis collé un vrai.

À peine j’entame à petit train mon premier tour, déjà il se met en chasse. Un vrai de vrai. Aucune excuse, toutes les raisons sont bonnes pour se mettre à bloc.

Première ascension, je me retourne, je constate : je suis pris en chasse. Bon, inutile de mettre cartes sur table tout de suite. Le poursuivant me montre ses atouts et me dépasse. Même pas essoufflé. Dans une retenue digne du plus puritain des moines tibétains, je garde mon rythme d’échauffement.

Je conserve la cadence dans la descente, je le dépasse, et le voilà qu’il se vautre dans ma roue.

Deuxième ascension. Le prédateur est toujours là. Moi, bien échauffé, j’embarque le tempo. Mais c’est qu’il s’accroche, le filou.

Tu veux jouer papi ? Allez, on passe en quatrième vitesse. Mais qu’est-ce donc ce raffut ? On jurerait la respiration d’un labrador exténué. Il respire toujours, et violemment en plus. Comment un homme peut-il faire autant de raffut sans s’évanouir ? Non mais c’est que je n’ai pas du tout envie d’arrêter et d’appeler une ambulance pour cause d’inhalation abusive d’oxygène.

Pas mal, mon petit père…on monte quand même à plus de 400 watts.

La bute passée, voilà le moment de sympathiser avec le dur à cuire. Ghislain, de son nom, est un vrai. 49 ans, père de famille, prof de math, coureur chez les masters B, et aucune excuse pour ne pas suivre jusqu’à explosion.

J’entame prestement ma troisième boucle. Mais c’est qu’il en redemande. Voilà, vous êtes servi cher monsieur, que votre gourmandise soit rassasiée. Même tempo que la fois précédente, Ghislain souffle si fort dans mon dos qu’il me propulse.

Ce qui devait arriver arriva. Les essoufflements s’éloignent derrière moi, je suis soulagé. Mon honneur est sauf, je peux enfin m’autoriser à avoir moins mal. Ghislain a éclaté.

J’aime bien ce courage, cette rage de suivre typique au rouleur masters. Cela fait contraste que de rouler uniquement selon l’intensité X, au wattage près, comme le veut la pratique de l’entrainement cycliste élite.

Mes respects, chers masters. Moi-même, je n’ose même pas aborder mon coup de pédale avec la même hargne. La discipline empêche parfois le dépassement de soi. Je me transforme donc, le temps d’un automne, en master aguerrit. Place à l’honneur. 

dimanche 19 août 2012

Fin du chapitre


Mon expérience en matière de blessures sportives me permet d’affirmer ceci : la plupart du temps, cela ne tient que du ridicule.

Qui n’apprécie pas exposer une entaille glorieuse, gage de témérité et de courage ? Pour ceux qui se sont délecté du classique film Slap Shot, j’aime bien emprunter les séducteurs propos du personnage de Maurice : « Ça s’tune coupure très profonde, ergarde. » 

Dans mon cas, chaque chute à vélo m’ayant été fatale découlait d’un rien du tout. Vulgaire accident de parcours suivit d’acrobaties ridicules, avec comme final une lésion corporelle.

Un grotesque incident s’est ajouté hier à mon palmarès. Je participais à la dernière course régionale avant le raid Bras-du-Nord en fin de semaine prochaine, et comble du malheur, le ridicule sévit  de nouveau.  Cette course faisait partie des ultimes efforts dans ma préparation finale, mais le destin en a voulu autrement.

Seulement vingt minutes après que les loups furent relâchés, seul en tête, j’affrontais le ridicule.  Sur une section du parcours au dénivelé égal à zéro, alors que je me concentrais à pousser sur les pédales, l’une d’elles heurta un caillou. Le choc fut assez brutal pour que, contrairement à ma pédale étampée sur la roche, mon vélo et moi-même poursuivions notre lancée dans le faussé. Seul moment soi-disant glorieux : un gracieux vol plané au final de l’acrobatie.

Je râle, j’ai mal partout, et pire que tout je suis contrarié. Mon guidon est désaxé et mon casque fendu. Taïaut! Dans un moment de lubie, j’envisage de repartir à l’assaut du parcours. Mon épaule qui émet un craquement suspect alors que je me relève me ramène à l’ordre. Sortir du bois sera déjà bien assez.

Le diagnostic est clair : j’ai le ligament coracoïdien mal en point, en plus d’une légère commotion. Aujourd’hui j’ai l’épaule gauche enflée comme ma déception de devoir prendre encore du repos. Ça semble plutôt foutu pour le raid dans une semaine.

J’admets donc que ma saison se termine aujourd’hui. Fin du chapitre. Pas du livre. Je demeure motivé à me dépasser dans le monde de la course à vélo.

Avec la saison que j’ai eue, j’avoue avoir eu quelques questionnements, quelques doutes à savoir si je désirais poursuivre. Tous ces bobos et ces coups de malchances s’accompagnent inévitablement d’instants de réflexion.

Après délibération, j’en viens à la conclusion que l’essentiel demeure : le vélo, la compétition et le vent caressant mes oreilles m’apportent toujours le même plaisir.

Pour l’heure, question de profiter de ce qui reste des jours avant le début de l’école, place à quelque temps au bord de la mer, à ne rien faire du tout hormis contempler mon épaule en train de dégonfler. 

mardi 31 juillet 2012

Voir du pays


Ce qui est bien avec les courses de vélo, c’est que ça permet de voir du pays.

Certaines destinations sont désormais traditions. Le voyage annuel vers St-Félicien ne serait pas le même sans une pause pipi à La Tuque. Le voyage vers Gatineau serait monotone sans les fourberies de mon GPS qui, ignorant le nouveau tronçon de l’autoroute 50, me mène tout droit sur un traversier de campagne.

Mais ces destinations, quoique fort plaisantes, deviennent à la longue redondantes. Un peu à l’image du banlieusard qui s’expatrie religieusement chaque été deux semaines à Old Orchard, je monopolise annuellement une bonne part de mon été pour ces activités.    

Or, ma préparation pour le fameux raid Bras-du-Nord m’a convié la fin de semaine dernière en Estrie, grande oubliée par les organisateurs du circuit provincial de cross-country.

Pour m’être délecté l’automne dernier des sentiers paradisiaques qui se trouvent à East Hereford, j’ai eu envie d’y retourner cette année pour participer au raid Jean D’Avignon.

Question de voir du pays, voilà un bien charmant village. Situé en bordure des lignes américaines, au fin fond de l’Estrie, son éloignement de l’autoroute 55 a tout pour plaire aux amateurs de routes de campagnes et aux ermites.

Le départ de l’épreuve avait lieu relativement tôt, sous les coups de 9h le matin. On nous conviait à 7h pour l’inscription, ce qui me conféra le plaisir de conduire ma voiture tout en somnolant, entremêlant bucoliques paysages aux rêveries ayant animé mon sommeil nocturne.

On aurait dit un conte de fées, tellement cela semblait irréel. Les montagnes, tapissées de plantations de sapins tous plus parfaits les uns que les autres, dormaient encore sous la brume matinale. Je n’aurais même pas été surpris de voir surgir des bois une compagnie de nains barbus bucherons au service du Père Noël. Quelque peu contrastant avec la sérénité de ce paysage de carte postale, le tuyau d’échappement défectueux et très bruyant de ma voiture ramena mes pensées à l’ordre. Ce qui fut une bonne chose, compte tenu de l’inquiétude que manifestait ma copilote au sujet des zigzags routiers peu rassurants dont j’étais l’auteur.

Nous sommes arrivés sains et saufs, avec amplement de temps devant nous pour constater que nous avions amplement de temps devant nous, et pour me permettre de me réveiller officiellement.

Heureusement pour mes adversaires, mon organisation pour l’épreuve fut aussi scrupuleuse que l’évacuation des passagers du Titanic, c'est à dire bordélique. J’allais en payer le prix.

Plusieurs contrariétés : Premièrement,  j’avais oublié de charger mon GPS la veille. Or, cet outil s’avère capital dans ce type d’épreuve, compte tenu du fait que les écureuils, malgré toutes les politesses leur étant adressées, ont pour seule réponse de fuir ou de siffler des sottises lorsqu’interrogés sur la distance restante. Peu fiables. Je ne vous les recommande pas.  

Deuxièmement, les organisateurs nous ont prévenus avant le départ que malgré le court trajet (60 kilomètres), notre passage dans une multitude de singletracks des plus techniques allait réduire considérablement la vitesse moyenne. « Attendez-vous à quatre heures pour les vainqueurs », qu’ils disaient. « Prenez garde à telle descente technique, extrême, apique et truffée de lames de rasoir » qu’ils disaient. Avec leurs gros yeux, c’est tout juste si on ne nous a pas mis en garde contre la sorcière du coin et son armée de trolls. Bref, je m’attendais à quelque chose de costaud, un peu plus long que Vélomag.

Une fois le départ lancé, je ne me suis pas assez énervé quand ça le train s’est mis en route. « Laisse-les partir, tu as quatre heures devant toi », je me répétais. Erreur. Après 1h30, ayant rattrapé un junior parti en junior, je le priai de m’informer de la distance parcourue. Exactement 30 kilomètres, me répond-il, tout juste la moitié. Et selon quelques bénévoles en bordure des sentiers, le troisième qui a un peu plus de quatre minutes d’avance sur moi. Oups. Mesdames mes jambes, plein régime, s’il vous plait.

La deuxième moitié de la randonnée fut d’un bon tempo. Loin de moi l’envie de téter les roues, j’y suis allé peu conservateur dans les sections roulantes.

À la ligne d’arrivée, malgré ma déception d’avoir laissé filer les meneurs, j’étais tout de même content de moi. Je termine à un peu plus de 5 minutes du champion Raphaël Gagné, et tout près de 1minute 30 du troisième Alexandre Vialle. Petite parenthèse : ce dernier, disons-le, malgré son jeune âge, avance à un rythme plutôt respectable.

Je termine donc quatrième overall et troisième chez les séniors, pour 2h53 de course, les poches pleines de barres énergétiques et de victuailles de toutes sortes superflues.

Malgré la courte durée de l’épreuve, l’ensemble de l’événement mérite toutes mes recommandations. Autant l’organisation, les paysages, les gentils et dévoués bénévoles, le bon goût des melons d’eau à l’arrivée, tout ceci fut délicieux.  

Ah oui, et pour un village de moins de 300 habitants, pas mal… Tout juste comme si le marathon de Montréal comptait plus d’un million de participants arborant un sourire béat de satisfaction.

mardi 3 juillet 2012

Le plein de diesel, s'il vous plait.


Ma victoire cette fin de semaine au raid Vélomag au mont Ste-Anne a inspiré un journaliste du Journal de Québec, qui en a fait l’objet d’une chronique imaginaire. Après m’avoir honoré de son interview, un conte plutôt fictif jaillit de sa plume. Bien que son histoire fût divertissante, je tiens à raconter l’histoire réelle, afin de remettre les pendules à l’heure.

Voici donc les choses telles que je les ai vécues :

Nous étions trois compatriotes séniors d’Espresso Sports à prendre le départ. Mes vieux compagnons d’arme Sébastien et Jérémi m’accompagnaient dans cette aventure.

Avant le départ, fringants et propres
N’étant pas un habitué de ce type d’épreuve, j’avais bien hâte de voir comment la ballade se déroulerait. Une chose que je savais, c’est que nous allions carburer au diesel. J’ai par conséquent prévu de quoi tenir. Je me suis mandaté de grignoter sans cesse : 2 bananes, 2 powerbars, 2 gels, un paquet de jujubes et un bon bidon de gatorade (en plus de quelques hectolitres d’eau). C’est tout juste si je n’avais pas prévu une savoureuse paire de hot dog michigan.

Le départ, plutôt matinal, me convenait parfaitement. Après une légère mise en jambe, nous partions à 9h30. J’étais plutôt en recul de la tête, faute d’avoir participé au cumulatif des épreuves de la fin de semaine, mais je n’ai pas tardé à prendre position parmi les meneurs dès les premiers coups de pédale.

Après une trentaine de minutes, nous étions quatre en tête : moi-même et Sébastien (mon coéquipier) rivalisions avec Aroussen Laflamme (coureur d’Exprezo) et Jamie Lamb (coureur de la Nouvelle-Écosse). Dès les premières minutes, le rythme assez élevé me surprit, mais je me prêtai tout de même au jeu.
Le coureur d’Exprezo ne ménageait pas les relances dans les bosses, si bien que je me demandais comment il tiendrait le rythme jusqu’à la ligne d’arrivée.

Trois bonnes montées nous attendaient, d’une longueur respective de huit, quatre et six kilomètres. Vint la première. Lente, humide, rocailleuse, apique. Ces quelques kilomètres s’attardaient un peu trop à mon goût sur l’écran de mon GPS. Tout près d’une heure de grimpe. Au début, nous étions quatre, à la fin, plus que trois. Le fougueux Aroussen ne put s’accrocher au train.

Pour le reste de la course, du moins jusqu’à l’ascension finale, nous nous alternions la tête, moi et mon coéquipier.  Je peux compter sur les doigts d’une main les minutes pendant lesquels notre concurrent de la Nouvelle-Écosse prit les devants. C’est plutôt normal, puisque Sébastien et moi avions l’avantage d’être unis par nos couleurs d’équipe (et notre camaraderie, bien sûr). À plusieurs reprises, afin d’affaiblir notre adversaire, Sébastien me laissait partir, moteur diesel à plein régime, restant en retrait avec l’autre, pour ensuite décoller telle une fusée pour me rejoindre, minant d’acide lactique les gros jambons du nouvel écossais. Une vraie locomotive, notre duo d’Espressosports.

Malgré cette épique chevauchée d’équipe, je tenais tout de même à franchir le premier l’arche d’arrivée.  Je savais très bien que les vingt derniers kilomètres, majoritairement descendants, convenaient davantage aux pilotes compétents dans la limite de la perte de contrôle, compétences que Sébastien maîtrise tel un dieu. Par conséquent, j’ai joué le tout pour le tout dans l’ascension finale, la plus ardue. J’ai mis toute la gomme, décrochant mes adversaires. Au sommet du mont Ste-Anne, j’étais seul en tête.

La descente avait un petit quelque chose à congeler les yeux, surtout quand on se donne comme objectif de toucher le moins possible aux freins. Jamais de toute ma vie je crois n’avoir atteint de vitesse aussi élevée sur mon vélo de montagne. Quand j’y repense, je suis reconnaissant à l’égard de mes pneus qui ont eu l’amabilité de ne pas exploser.

Bref, après les cinq premiers kilomètres dans des pistes de downhill, les quinze dernières bornes furent quelque peu trompe-l’œil. Certes, cela descendait, mais juste pas assez pour ne pas relâcher les gaz. En prime, quelques petites grimpettes n’attendaient que le moment d’achever les vestiges de toutes réserves énergétiques. Toujours en tête, seul, je n’avais aucune idée du temps me séparant de mes hardis poursuivants.  Mon derrière, souffrant de quelques sauvages enflures et irritations, me motiva à attaquer debout sur les pédales les dernières bornes.

Enfin, j’aperçois les pentes et le chalet de ski, la ligne d’arrivée, et surtout, les chips et les melons d’eau. Mon chrono affiche 3h48. Pas mal.

1er toutes catégories confondues, Sébastien 3e
C’est rare que je dévore des chips et des peanuts aussi savoureuses.  

Aussi, en attendant que mes compères franchissent à leur tour le fil d’arrivée, je revins sur une pensée qui me trottinait en tête :

Après avoir constaté que nous déambulions à un rythme plutôt hâtif, que les minutes et les kilomètres s’attardaient sur l’écran de mon GPS, que mon corps m’envoyait des signaux de détresse, j’ai pensé à tout le reste du peloton qui passerait derrière nous. Puisque j’avais un peu de temps devant moi, je me permis le luxe, tout en pédalant, d’émettre quelques hypothèses. Si je franchis la ligne d’arrivée le premier, non sans un certain supplice corporel, qu’en sera-t-il de tous ces valeureux qui me suivent ?  Vont-ils devenir fous ? Avoir des hallucinations ?

Gagner un raid de 80 kilomètres en 3h48 minutes c’est une belle performance. Compléter un raid de 80 kilomètres en 6 heures et des poussières, sans camps d’entrainement ni 700 heures annuelles dans les pattes, c’est héroïque.

Ces gens-là sont des braves au moral d’acier. Nous, coureurs dits d’élite, n’avons pas le même mérite. Nous passons notre temps à entrainer nos jambes pour qu’elles tournent vite et poussent fort. Nous avons tout aussi mal, simplement moins longtemps.

Bref, à tous les coureurs du dimanche, à tous les sportifs maîtres, à tous les papas et les grands-mamans à vélo, vous avez mon admiration. Je vous envie, et je l’espère, j’aurai un jour le même mode de vie que vous et surtout la même ténacité. 

lundi 25 juin 2012

Mégalomane


Parfois, quand j’évoque que je viens tout juste de prendre mes aises sur mon vélo de route pour un petit 80 kilomètres de bitumes, les yeux ronds des néophytes en matière de toutes choses vélocipédiques me dévisagent. Deux choses alors se passent : un sentiment de supériorité athlétique s’empare de moi. (Avouez-le, nous autres cyclistes avons tous déjà goûté à cette mégalomanie). Deuxièmement,  ça se devine, ils se réconfortent en visualisant la distance parcourue dans le confort d’une voiture. Imaginez la réaction s’il était question de 80 kilomètres non pas d’asphalte, ni de terre battue et encore moins de pavés du mythique Paris-Roubais, mais plutôt de 80 bornes de sentiers et de single track parcourus à dos de vélo de montagne.

Jouissif. Rien qu’à y songer, j’ai envie de lancer par la fenêtre cette machine à écrire et de me les enfiler ces 80 bornes. Nenni, jours de repos.

J’en viens au fait : le calendrier de course québécois n’a pas dit son dernier mot. Les grosses épreuves de cross country se sont accaparées pas mal toutes mes fins de semaine depuis un bon mois et demi, ne laissant que quelques dates éparses sur ce qui reste de la saison. C’est là qu’arrivent à la rescousse les raids, courses d’endurance soumettant autant le physique que le mental. Joie, plaisir et volupté. 
     
Voici maintenant le scénario à venir d’une fin de saison enivrante : je dirige désormais mon énergie à me préparer en vue du championnat national de raid. En plus, l’événement a lieu cette année dans des sentiers à la mode, soit ceux de St-Raymond-de-Portneuf.  

Une des choses que j’ai apprise avec l’entrainement, c’est qu’il faut y aller progressivement. Le raid Vélomag, voilà l’occasion rêvée de tester et d’aguerrir mes mollets. Les voici, mes 80 kilomètres de « prélassement », où je me confirmerai si je suis apte à enfiler une bonne distance. Mentalement, ça devrait aller. Après avoir participé à l’édition 2009, amicalement surnommée « vélomarde », je n’entretiens plus de craintes. La solitude de l’enfer des chemins boueux, des rivières torrentielles, des lignes d’Hydro sans fin, tout ceci ne m’effraie plus. C’est plutôt le physique qui m’inquiète, quoique ça aille de mieux en mieux. Je complète tout juste ma première semaine de 15 heures de pédalage depuis belle lurette et le genou tient le coup. Du coup, je souris, je ris et je m’amuse un peu plus, tout comme mes bonnes jambes qui semblent reprendre du service.

Je dis qu’il faut y aller progressivement, puisque St-Raymond-de-Portneuf, c’est tout près de 100 kilomètres de sentiers qui dévisageraient le plus pur des néophytes. 97 bornes pour être exact. De quoi me permettre d’abuser un brin de mégalomanie. Un accomplissement qui se glisserait bien dans une conversation de celui qui fait pipi le plus loin, ou tout simplement pour impressionner les foules.

Question d’impressionner, mon début de saison n’a rien d’enviable, quoique j’ai sauvé l’honneur au championnat national la fin de semaine dernière. Je m’y suis bien battu et j’y termine 11e, mieux que l’an dernier où j’avais décroché la 13e position. J’espérais tout de même une 8e place qui m’aurait fourni 20 points UCI et mon billet pour les coupes du monde. Ce sera une prochaine fois.

En attendant, j’ai marqué d’une croix blanche la date du 26 août, celle de l’épique chevauchée de 97 kilomètres, et tel un Jules César, tel un Kanye West, tel un Kadhafi du peloton, je porterai mes plus beaux habits, exhiberai des sourires de douleur aux photographes et impressionnerai tous les « el bo frère » de ce monde.

lundi 4 juin 2012

Séjour agréable


Eh voilà, la série de la Coupe Canada 2012 se termine aussi vite qu’elle a commencé. Trois fins de semaine, trois courses, trois jours inoubliables. Inoubliables de malheurs.

Sans attente, je pris le départ de Tremblant sans réelles ambitions, hormis celle de donner le meilleur de moi-même. J’y termine 17e. Pas si mal.

Après Tremblant, bête que je fus d’espérer. Le deuil n’en fut que plus désagréable. Coup du destin : à Baie-St-Paul, un « jour sans » m’empêcha d’avancer. J’y termine 26e avec une humiliante chute à mon dernier tour, ce qui m’arracha quelques frivoles positions.

Vint la troisième manche à Hardwood Hills. Une malchance inouïe me collait bel et bien aux pneus. Motivé comme un joueur de rugby néo-zélandais, n’ayant absolument rien à perdre, j’ai tout donné. Pour 15 secondes de course. Ce court, mais intense laps de temps écoulé, ma roue avant frotta celles de quelques surexcités qui me devançaient. La témérité de quelques-uns conduisit le peloton dans un tumulte d’acrobaties des plus spectaculaires. Grandiose fut le spectacle. Modeste fut la solidité de ma roue avant. Elle oscillait. Je constate, je m’arrête, je me contrarie. Fin de la partie.



Mais trêves d’amertumes. Parler de mes malheurs n’entraine que déprime et ennui. Attardons-nous plutôt aux bons côtés. De un, j’ai épargné mon genou. De deux j’ai rencontré des gens sympathiques. De trois, j’ai exercé mon anglais qui ne sort pas souvent de son terrier. Yes-no-toaster.

Faute d’avoir été sélectionné par l’équipe du Québec pour ce projet, je dus trouver un autre logis. Heureusement, Sarah Moore (également coureuse élite) et sa famille eurent la bonté de m’amener avec eux.
Nous logions à cinq minutes du site de course, chez un couple de gentils retraités. Et pas n’importe lesquels : la dame fut jadis, dans les années 1990, championne du monde de vélo de montagne chez les 60 ans et plus. Vous avez bien lu.

Autant accueillant est ce couple de sportifs septuagénaires, autant chaleureuse est leur demeure. Blottie au creux d’un bosquet, l'accueillante maison semble tout droit sortie de la Compté, où réside Bilbon Sacquet.
En son intimité, le confortable logis regorge des traces d’un passé sportif des plus glorieux : médailles, trophées et photographies font honneur aux murs. L’air est empreint d’une passion pour le plein air, le sport et la compétition. On y respire la même flamme sportive.  

Outre ces souvenirs, elle est coquettement décorée. Telle une bonne vieille pantoufle, la chambre qui m’est attitrée m’invite au repos. Boiseries, odeur de pin et matelas moelleux vous emportent dans un délicieux sommeil. Avant de m’endormir, je peux même sentir que les draps de flanalette ont été choisis et installés avec bienveillance.

Ces gens sont si charmants qu’ils nous nourrissent comme des rois. Ou plutôt comme des sportifs à la chasse aux glucides. En plus de toutes sortes de bons aliments biologiques, nous sont servis croustades aux petits fruits, brownies et une multitude de petits plats maisons. Vous devinerez qu’ils sont savoureux et préparés avec amour.

Bref, malgré tout, le séjour fut des plus agréables. 

lundi 14 mai 2012

Mea Culpa


Les confessions semblent la grosse mode, alors je me lance :

Je l’avoue. Je suis dopé.

Les endorphines, vous connaissez ? Une substance euphorique et analgésique libérée par le cerveau suite à un effort physique. Dopé aux endorphines. Il n’y a pas plus légal et sain.

J’en ai une sérieuse dépendance. Les quelques annulations d’entraînements ces derniers jours me l’ont confirmé. Blessure oblige. Privé de ma dose quotidienne, je vacille au-dessus d’un abîme sans fond.

Le sevrage est pénible. Tout d’abord, il y a la colère. La colère de subir le bon vouloir d’un tendon récalcitrant. Ensuite vient la panique. La panique des jours puis des semaines qui s’enchainent, du temps qui fuit, des courses qui approchent, de la forme qui s’enlise. Suit la frustration. Celle de ne pas être à la hauteur de tous les efforts fournis. Enfin vient la remise en question : ai-je fait mon temps ?

Non. Du moins pas encore.

L’endorphinomanie, c’est probablement une des plus belles dépendances. Chaque entraînement, chaque sortie de vélo, c’est une bonne occasion d’y gouter. Gouter à l’euphorie, à la béatitude, à l’extase.

Sevré, je me suis surpris, tel un toxicomane, à tout faire pour ne serait-ce qu’une dose. Tout y est passé : alimentation, position sur le vélo, techniques de récupération. Tout pour que ce coquin de genou ne perturbe plus mon bon plaisir.

J’ai souffert. Pas juste mentalement, physiquement aussi. J’ai confié le mal aux bons soins de plusieurs spécialistes, dont un physiothérapeute aguerri. Ce cher monsieur m’a brutalement soulagé d’une tension qui nuisait au bon fonctionnement de l’articulation rebelle. La technique : un ponçage de la bandelette iliotibiale. Le prix : un terrible supplice corporel.

Vous voulez savoir à quel point? Imaginez simplement Rocky Balboa exerçant son punch sur votre bandelette. À faire grimacer Chuck Norris.

Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour sa dose d’endorphine…

Je l’ai finalement eu ma rechute. Samedi, j’ai joint quelques sympathiques cyclistes pour une petite compétition : première étape du circuit régional. Le genou a tenu bon, le moral aussi. En fait, j’étais plutôt de bonne humeur.


Voilà qui s’annonce plutôt bien. La première coupe Canada aura lieu ce samedi à Tremblant. J’y anticipe un gros trip d’endorphine.

Première course régionale, Val-Morin


dimanche 29 avril 2012

Mange les tes brocolis


Une Ferrari ça ne se fait pas réparer au garage « Chez Ti-Jean » et ça ne carbure pas à l’essence ordinaire. Un peu comme l’organe de la voiture rouge, le moteur du vélo requiert un traitement délicat. 

Pour aller vite, il faut pédaler fort. Pour pédaler fort, il faut parfois ralentir un peu, se détendre, bien dormir, ingurgiter tous ses acides aminés, toutes ses vitamines, tous ses minéraux, s’étirer, rendre visite aux massothérapeutes, ostéopathes et physiothérapeutes de ce monde. Sans oublier la position sur l’engin, la performance du matériel, le choix des armes. Enfin, il faut savoir livrer la marchandise au jour J, doser l’effort, sourire sur le podium.

Là n’est pas la norme, bien sûr. Mais pour aller vraiment vite, du moins être celui qui ira le plus vite, aucune de ces modalités ne doit être prise à la légère. Ce n’est pas évident, mais c’est pour ça que des grands champions internationaux, il n’en pleut pas.  

Une seule déviation à cette ligne de conduite peut entrainer la ruine. L’échec. La fin. L’enfer.

Pourtant, c’est si facile de négliger. Ça n’a qu’à bien aller pour un temps, le temps de laisser-aller, et PAF. Catastrophe. J’ai eu ma leçon. Promis. Juré. Je ne recommencerai plus.

Je les ferai mes étirements. Je les prendrai mes vitamines. Je dormirai les jambes en l’air. Je … J’irai encore plus vite.

Alors que j’écris ces quelques lignes, il fait aussi beau dehors que le jour où Simba nait dans Le Roi Lion. Vous vous en souvenez de cette scène avec les rayons de soleil et tout? Moi je suis séquestré par mon genou. Je l’ai quelque peu négligé, lui imposant des intervalles inopportuns alors que j’étais victime d’une faiblesse. À son tour, il néglige ma bonne humeur, le fripon. Il est douloureux et il me le fait savoir.

Mentalement, c’est une torture. Non, une sauvagerie du destin.

Évidemment, il y a pire. Mais cela reste tout de même contrariant. En espérant que ces quelques lignes en fassent réfléchir quelques-uns sur les bienfaits de prendre soins de son corps. 

jeudi 22 mars 2012

Californie, prise deux

D’un point de vue extérieur, l’entrainement hivernal d’un cycliste tient du ridicule. Pédaler tel un hamster dans son sous-sol des heures durant, se soumettre des mouvements en apparence grotesques au gym, faire son trois heures de « marche rapide » en raquette, tout ceci n’est pas garant de plaisir.

Certes, j’apprécie les joies de l’hiver, j’aime bien mes skis de fond, je m’y évade, loin de la monotonie du rouleau. La coupure saisonnière m’est salvatrice des exigences de la saison de course. Mais là, ma patience avait atteint un sommet. Trop de rouleau, trop de moments à pédaler seul face au mur, pas assez d’air sifflant dans mes oreilles.  

Heureusement, le Sud m’a convié à un second camp d’entrainement bien au chaud. Pour la deuxième fois cette année, j’ai profité de la clémence du climat californien. Au programme : dix jours d’entrainement en vélo de montagne, toujours avec l’équipe du Québec. Il n’y a rien de mieux que de rouler sous un soleil sudiste, cette fois sur les sentiers légendaires qui ont vu naître mon bien aimé sport. (Eh oui, le vélo de montagne fut en partie inventé en Californie). Aucune simulation, que des cailloux, du sable et des cactus.


Au dernier tour du XC
Ce fut pour moi l’occasion de participer à ma première course de l’année. Les 10 et 11 mars, j’ai pris part aux trois épreuves respectives de la US Cup à Bonelli Park, en banlieue de Los Angeles. Un cross country le samedi avec un super D en soirée, suivi d’un short track le dimanche. Je me suis contenté du 25e rang en cross country. J’aurais espéré mieux, mais on ne fait pas toujours ce qu’on veut. Il me manquait la petite dose de nitro, le kick indispensable pour attaquer. De plus, un caillou a sauvagement agressé le flanc de mon pneu arrière lors du dernier tour. Je fus contraint de terminer le dernier tour à un rythme peinard, laissant la joie de me dépasser à quelques coureurs excités par la perspective d’un gain de positions. Tout de même, pour une course aussi précoce dans le calendrier, je suis satisfait, d’autant plus que le niveau en US cup est un peu plus élevé que celui en coupe Canada. En soirée, le super D fut amusant, malgré une longue attente pour seulement un cinq minutes de course.   

Les joies du Short Track
Le lendemain eut lieu le short track. Une épreuve de force où le jeu consiste à se faire mal. Très mal. Les règles sont simples : sur un parcours en boucle d’une durée d’environ deux minutes et demi, les coureurs roulent à fond pendant 20 minutes, après quoi l’officiel signale aux survivants qu’il reste deux tours pour achever les plus faibles. Lorsque les coureurs de tête vous rattrapent, vous êtes sortis. J’ai vraiment tout donné, mais ce type d’épreuve n’est vraiment pas ma force. On m’indiqua la sortie après 15 minutes de calvaire. Pour une première expérience, j’ai beaucoup appris : je ne savais pas qu’il était volontairement possible de se faire aussi mal.  

Pour la suite du camp, moi et mes confrères de l’équipe du Québec nous sommes dirigés vers l’est, dans la ville de Palm Springs, pour une semaine de vrai vélo de montagne. En arrivant dans cette région, le choc fut brutal. Palm Springs se compare à une colonie martienne tout droit sortie d’un roman de science-fiction. Dans une vallée désertique entourée de montagnes rocailleuses trône cette ville verdoyante. Tout est beau, tout est vert, tout est arrosé. D’où provient toute cette eau ? On l’ignore, mais ce n’est probablement pas du pipi de serpent. Cette communauté abonde de gentils et riches retraités qui y coulent des jours paisibles. Aussi, visiblement appelée à un destin tout autre que celui d’aller jouer au bingo au volant d’un rutilant Lincoln Navigator, la communauté hispanophone y est bien implantée. Ils tondent le gazon, arrosent les fleurs et préparent de délicieux burritos. Tout ce que vous n’avez pas envie de faire. Comme quoi l’ethnicité des classes sociales est bien marquée à Palm Spring, comme l’abondance de taco grills.  

La piscine en question
Le passage de notre motel proche de Bonelli à notre maison de Palm Spring fut contrastant. Dans cette demeure, tout était immense, cher et m’as-tu-vu. Bref, très américain. Pour notre bon plaisir, nous avions une grande piscine, un terrain de basket, un magnifique jardin parsemé de fontaines et un titanesque barbecue qui aurait rendu jaloux même l’animateur obèse du food chanel. Bien entendu, toute cette luxure nous fut très profitable.



Et que dire du vélo de montagne ? Le plus beau que j’ai fait depuis bien des temps. Ces sentiers rocailleux me donnèrent une bonne occasion d’améliorer mon pilotage, un atout négligé par l’entrainement de sous sol. Nous avons fait de superbes randonnées et de bons entrainements. Les collines avoisinantes de Palm Springs regorgent de sentiers qui se prêtèrent à de bonnes sorties de groupe, à des entrainements spécifiques et à des tests de terrains. Sans oublier le chaud soleil qui malmène la peau des imprudents qui boudent la crème solaire.

À l'assaut des montagnes

Bref, je reviens bronzé, avec ce tan qui en dehors de la communauté cycliste parait ridicule (marques de bas, cuissard, jersey et sangles de casque). Il me reste deux bons mois pour peaufiner ma préparation en vue des premières courses qui compteront pour de vrai, soit les coupes Canada du mois de mai. Heureusement pour moi, le beau temps semble comprendre mon écoeurantite de rouleau. Depuis que je suis revenu, soit quatre jours, j’ai roulé quatre jours à l’extérieur en cuissards courts. Vive le printemps.  
                                                                                               


mardi 6 mars 2012

What would Chuck Norris Do ?


Il y a un bon vieux dicton que j’aime bien : What would Chuck Norris do ? Par moment d’insécurité psychologique, ces paroles parviennent toujours à me ragaillardir. Un vrai mantra.
Hier fut une de ces journées inspirantes et privilégiées où je m’adonnais à ce sport qui me passionne, en compagnie du bon vieux Chuck Norris. L’athlète, le coureur des bois, le Tarzan des sentiers.

Pour l’occasion, faute de saison estivale, nous arpentions les pistes de raquette.
Chuck Norris ne fait pas les choses à moitié. Celui-ci se jette avec passion dans les sentiers. Rapide, il enchaine les virages avec puissance, colle au sol pour accélérer énergiquement, bondit au-delà des obstacles. On dirait presque qu’il vole. Un artiste.

Le torse bombé, le cosaque impose son rythme. Gare aux paisibles raquetteurs qui ne se doutent pas de sa venue. Il survient derrière eux, tel un ninja. Pas de temps pour s’arrêter, hormis peut-être pour remettre à sa place un aboyeur qui faisait un peu trop le fier. Simple question de hiérarchie.

Vous l’aurez compris, Chuck est mon fidèle compagnon canin. Une brave bête. Ça ne prend pas grand-chose pour le combler : une chevauchée dans les bois, des pulsations cardiaques à 250 BPM et de l’écume plein la gueule. Sans oublier l’occasion de lever la patte pour affirmer qu’il est le maître des lieux…

Mais tout comme moi, Chuck s’impatiente devant l’hiver qui s’étire. Or lui n’a pas la chance de s’envoler vers la Californie pour se repaître d’authentiques sentiers de vélo. He oui, je reprends l’avion, direction Los Angeles.

Ce sera mon deuxième camp d’entrainement de l’année, toujours avec l’équipe du Québec. Au programme, une US Cup dès mon arrivée (XC, Super D et ShortTrack) et un peu plus d’une semaine à rouler, pour de vrai. Fini de faire semblant, fini de rouler sur la neige, fini le calvaire stationnaire de sous-sol.

J’ai bien hâte de voir le résultat de l’entraînement. Il fut quelque peu spartiate. Souhaitons que la forme soit à la hauteur.

Je ne manquerai pas d’avoir une pensée pour Chuck sur la ligne de départ de cette première course. La clé réside dans la capacité à se mettre dans le même état d’esprit que mon compagnon canin : une chevauchée dans les bois, des pulsations cardiaques à 250 BPM et de l’écume plein la gueule. Le tout avec une béatitude inouïe, enterrant la rigueur de l’entraînement hivernal.

mardi 31 janvier 2012

Calendrier musclé


Je pédalais tout bonnement face au mur de mon sous-sol, pensant à ce merveilleux graphique en pleine production, quand soudain un malencontreux questionnement me traversa l’esprit : qu'est-ce que je fous là ?

C’est le genre de souci qui sème le doute lors d’un aride effort.  Malgré toute la motivation qui excitait mon coup de pédale sur le trainer, je remarquai qu’il pleuvait autant dehors qu’en pleine saison sèche du Sahara. Il faisait beau et le mercure affichait un confortable -5 degrés. Moi, je m’astreignais à mes cruels intervalles. Six-fois-six-minutes-à-85%-et-t’es-déjà-à-bloc-dans-le-deuxième-lâche-pas-vieux-t’en-reste-juste-quatre. Pas de musique, un petit bruit de dérailleur à vous dérailler les nerfs et juste assez d’eau pour tenir.

Le ski de fond devait être super beau. Le ski alpin aussi d’ailleurs, du moins les remonte-pentes auraient manifesté plus de clémence à l’égard de mon postérieur.  

Quatre minutes de récupération entre deux intervalles, c’est assez pour me ressaisir. Trêve de démotivation, je rassure ma pensée initiale : la saison approche à grande roue et son début ne fera pas dans la modestie. Faudra être affûté.

En effet, le calendrier 2012 est plutôt condensé. Toutes les compétitions importantes se dérouleront au début de la saison. En six semaines, du 19 mai au 30 juin, se succèderont trois coupes Canada, le championnat canadien et les deux coupes du monde nord-américaines. Cinq courses capitales, décisives pour le reste de l’été.

Décisives pour l’équipe du Québec, décisives pour l’équipe nationale, les championnats du monde et les jeux olympiques, et décisives pour mon égo.

Après ça, que reste-t-il ? Quelques coupes Québec et le championnat provincial. Bon, faudra s’y faire. Sinon, pour prolonger un peu la saison, subsistent les Jeux olympiques et les championnats mondiaux. Fantasque lubie ? Pour les Jeux, on oublie ça. Mais les championnats mondiaux, pourquoi pas ? Cette perspective me titille juste assez les mollets pour affronter avec hardiesse le troisième intervalle. Le quatrième, le cinquième et le sixième aussi. Bref, ce qui se résulta en un coloré graphique dont vous avez le loisir d’admirer en début d’article.  

Utopique comme éventualité ? Je n’en suis pas si sur. Ce que je sais, c’est que contre toute attente, j’ai représenté l’unifolié en 2010 chez le moins de 23 ans pour les championnats mondiaux. Donc je me permets de caresser ce rêve de gouter à nouveau à cet honneur.
Heureux ceux qui cultivent des rêves. Mais les rêves exigent des sacrifices et peu de rêveurs survivent. Sixième intervalle, mes jambes survivent. Finalement ce n’était pas si mal, j’en aurais bien pris un autre, me gratifiais-je.

Un peu plus tard, je reçus la confirmation : le ski de fond était en effet très beau,  ce que me rapportèrent de bienheureux fondeurs. 

mardi 17 janvier 2012

Escapade californienne

Permettez-moi d’éclaircir l’usage que je ferai de ce blogue. Quelques chroniques relatant mes exploits et mes déboires de coureur cycliste défileront au gré de mes envies. Également, j’exposerai certaines pensées qui m’empêchent de dormir. (Par exemple, qu’est-ce qui me pousse à enfourcher mon vélo toujours du même côté)

Puisqu’il le faut, je commencerai par un aperçu de ma préparation pour les compétitions à venir. Je reviens tout juste de Californie, où la température à cette période de l’année ressemble beaucoup à celle du Québec, hormis le – précédant le 25 degrés. Ce fut parfait comme préambule à mon entraînement hivernal : un peu de volume avec les athlètes et les coachs de l’équipe du Québec de vélo de montagne, le tout aux alentours d’Oceanside, ville alliant de décontractés surfeurs à de spartiates marines. 35 heures de bitume pour dix jours sous le soleil. Ce fut comme rouler au Québec, sauf qu’au lieu d’éviter des nids-de-poule, je dus prendre garde aux citrons quittant leurs branches pour se casser la gueule sous nos pneus. Un vrai paradis, et j’en reviens bronzé avec les traditionnelles marques de montre, cuissards, bas et courroies de casque.

Les gens de l’équipe du Québec sont tous dévoués, en particulier les trois coachs qui nous accompagnaient. Je ne peux m’empêcher de mentionner Claude Lajoie, professeur à l’Université de Trois-Rivières (aussi tortionnaire d’athlètes à ses heures), qui nous a soumis à son test assez éprouvant. Imaginez ceci : vous vous élancez pour un sprint maximal, sans aucun dosage d’effort, vous prolongez le tout sur 3 minutes en vidant toute vitalité. La sensation dans les bronches suite à ce calvaire doit probablement ressembler à ce que doit endurer un fumeur atteint d’un cancer de la gorge.


Autant le stage fut agréable, profitable, instructif et tout ce que vous voulez, autant nous sommes tous de beaux et bons athlètes prometteurs qui adorons parler de nous. Bref, ceci étant dit, je dois faire part d’une contrariété dont j’ai été victime, ce qui sera mon unique recours dans ma détresse.

J’irai droit au but avec cette première déclaration : les gens d’Air Canada sont de véritables fripons. Les vols (dans les deux sens du terme) dans lesquels je siégeais se sont traduits en perte de temps, d’argent et de toute compassion à l’égard des compagnies aériennes.
Le trajet pour l’aller fut un peu contrariant, avec un correspondance à Toronto impossible à réaliser dans les délais. Résultat : je suis arrivé avec trois heures de retard à Los Angeles. Jusqu’ici, ça demeure dans l’acceptable.

Le vol de retour tient du ridicule. Le départ était prévu de LA à 8h du matin, nous sommes partis avec un 40 minutes de retard, juste assez pour manquer notre transfert à Toronto. Toronto : une fois la calamité du retard digérée, je file au carrousel récupérer mes bagages. Ma boîte de vélo arrive, le cœur me lève. Elle est éventrée, victime des bagagistes qui n’éprouvent apparemment aucune pitié à l’égard des choses qui vous tiennent à cœur. Je me plains donc au responsable d’Air Canada, qui me remet aux bons soins d’un « porteur » censé nous aider, moi et un autre dont la boîte avait également passé à la casse. Nous nous dirigeons vers l’enregistrement dans l’espoir de siéger sur un prochain vol, quand ce fripon de « porteur », après 50 mètres à pousser nos bagages, nous réclame de l’argent. C’est assez crapuleux, compte tenu du fait que cet individu fut dépêché par le responsable d’Air Canada, le tout dans le but de résoudre ces désagréments, et sans nous aviser au préalable de ces frais.

Par peur de manquer le prochain vol, nous payons ce suce-la-cenne et embarquons finalement pour Montréal. Il est 18h30, nous étions censés arriver initialement à 18h15 au Québec. Devinez quoi : l’avion ne décolle pas, il est brisé. Respirons par les narines. Le prochain part à 21h30. Respirons par les deux narines. Le gentil personnel de l’avion tente maladroitement de racheter les torts de la compagnie en nous adressant un chaleureux « à la prochaine ».

Enfin, après une petite fortune dépensée en victuailles de toutes sortes dans les restaurants aux prix prohibitifs de l’endroit, nous partons pour Montréal. Nous sortons de l’avion, mon bagage semble s’y cacher. Du moins, je l’espère. Eh non, il s’est égaré. C’est ce que j’apprends après avoir épié attentivement le carrousel pendant plus d’une heure. Mon vélo lui est tout de même là, et c’est à exactement à 23h55 que je franchis la porte de l’aéroport, vers la maison, nu comme un vers (mon manteau étant bien sûr dans mon bagage). Ce n’est que le lendemain que je constate la gravité des dégâts. Une bonne partie de la peinture de ma fourche s’est envolée suite aux soins des bagagistes.

Air Canada, ils ne sont pas prêts de me revoir, la prochaine fois, je considère l’option d’y aller en bicycle à pédale.