mercredi 29 octobre 2014

Régime de banane

Ma dernière incursion sur ce blog date un peu. Tout juste un an. Je n’ai pas pour autant arrêté l’entraînement, mais plutôt revu plusieurs de mes objectifs et habitudes.
D’ailleurs, voici le premier changement dont il est question.   
                          
J’ai fait un Georges Laraque de moi. Ce n’est pas de gros bras dont il est question, mais d’alimentation. Oui, oui, je suis végétarien. Végétalien pour être plus précis, et ce depuis le mois de mars dernier. (Donc neuf mois à compter d’aujourd’hui) Plus de viande, ni poisson, ni volaille, ni œufs, ni produits laitiers.

Il s’agit d’un choix de vie auquel je pensais déjà depuis quelque temps, mais par crainte de manquer de quelconque substance nutritive, je m’étais abstenu.

Malgré cette inquiétude, J’ai continué à m’intéresser au sujet. À la base, par souci écologique. Mais rapidement, la propagande végane a fait son office, et m’a convaincu que les produits animaux ne sont pas optimaux pour la santé humaine, et que les bêtes d’élevage sont extrêmement maltraitées.

Je me suis retenu d’aller libérer les vaches, mais tout de même, après s’être intéressé au sujet, je dois dire qu’il est assez difficile d’y demeurer insensible. Une seule angoisse me retenait pour que je me convertisse : « ou vas-tu dénicher tes protéines, et tout le reste ? » Question simple, mais légitime.

C’est que la littérature mainstream et universitaire rend le tout bien compliqué. On enseigne à bien répartir ses doses de protéines, glucides et lipides. Sans oublier son steak et son lait de vache pour le calcium, sans quoi on est condamné à manger du tofu et à boire du lait de soja, et là encore, le lait de vache c’est beaucoup mieux madame. Craignez l’ostéoporose.

Je crois que la question se pose : sommes-nous si mal conçus, nous les êtres humains, pour être si compliqués à nourrir adéquatement ?  Peut-être aurais-je du être un âne, pour avoir la paix et ne manger que de l’herbe.  

Sans nécessairement abonder dans la théorie du complot, voulant que les industries alimentaires nous en passent une, j’ai cru qu’il serait intéressant, à titre d’expérience personnelle, de cesser toute consommation de chaire animale, d’œufs et de produits laitiers. Juste pour voir si j’allais manquer de quoi que ce soit et si mes dents tomberaient. Extrémiste ? Peut-être.

Mais attendez. Il y a plus radical.

De dire « je ne mange que des plantes » peut sembler drastique, j’en conviens. J’ai poussé l’expérience à un autre niveau : pendant un peu plus de deux mois, je n’ai mangé que des fruits entrecoupés de quelques légumes. Oui, oui, je suis bien sérieux. En quasi-exclusivité des fruits, sauf lors de quelques occasions où le contexte ne s’y serait pas prêté. (Je me serais drôlement vu débarquer dans un souper avec ma caisse de banane, tout en demandant gentiment où se trouve le compost pour que j’y dispose mes pelures.) Dans ces cas-là, de dire « je suis végétarien » m’est apparu tout à fait convenable.

Pourquoi ce régime de singe ? Par curiosité. Dans mes lectures, je suis tombé sur des gens adeptes du frugivorisme. Ils se disent en parfaite santé, et certains athlètes se prêtant à ce type d’alimentation performent dans leurs domaines de prédilection. Alors, pourquoi ne pas essayer, si d’autres le font ?

Mon corps n’a ni explosé, ni fondu, et ne s’est pas non plus transformé en ouistiti. Après quelques semaines, j’ai tout de même mi un terme à l’expérience frugivore, pour la simple raison qu’elle est socialement peu pratique. Mais jusqu’à aujourd’hui, et pour les temps à venir, je demeure végétalien, puisque je n’y vois que des changements positifs.

En voici les principaux :

- J’ai beaucoup d’énergie. Mentalement et physiquement.

- Je dors beaucoup mieux, et d’un sommeil réparateur. Le réveil n’est jamais difficile.

- Je récupère mieux. Je bois aussi beaucoup plus d’eau quotidiennement, ce qui contribue certainement à entretenir mon corps et à prévenir les blessures

- J’ai les idées claires, et mon humeur est plus joviale qu’il ne l’était.

- Aussi, ça peut paraître rigolo, mais mon odeur corporelle s’est modifiée. Fini les odeurs de swing. Par convenance, je n’ai pas boudé le déo, juste au cas où.

J’aurais aimé aussi pouvoir dire que ma peau est devenue plus douce, ma chevelure davantage soyeuse, et mes ongles polis, mais ce n’est pas le cas, alors désolé, je n’ai rien vu de cela.

Le principe est simple : des glucides en quantité astronomique, beaucoup d’eau, très peu de matières grasses, très peu de protéines. Ça fait maintenant 8 mois que je me gave de la sorte, mis à part peut-être quelques mouches avalées par-ci et par là à vélo, et parfois un bref écarts pour les occasions, du genre un anniversaire où il y a du gâteau. Je ne me suis jamais aussi bien senti, regardez mes dents comme elles sont belles :  


samedi 30 novembre 2013

L'armistice

Être ou ne pas être, telle est la question, disait l’autre. Question toute simple, mais qui requiert un brin de réflexion, surtout quand la question s’applique à un sport de haut niveau. Être un athlète élite, ou un banal sportif ? S’appliquer à pédaler vite, ou simplement pédaler ? Vie monastique, ou vie ludique ? Telle est la question.

Déjà quelques semaines que je n’ai écrit de petit mot sur cette tribune, probablement parce que cette réplique shakespearienne me creusait l’encéphale. Et comme mes envies d’activités cyclables sont légèrement à l’opposé de celles d’un maire torontois bien à la mode ces temps-ci, loin de moi l’idée de me morfondre dans la sédentarité. 

Quand il est question de prendre ce genre de décision, je n’ai jamais été bien talentueux. C’est bien moi, mon signe astrologique le confirme. Une vraie balance ; je ne suis pas le champion des décisions, tout comme je suis sensé apprécier particulièrement les couleurs rouge et bleu. Or, je dois dire que je ne suis pas plus fan de Capitaine America que de ces deux couleurs ornant son déguisement.

Il me fallut donc prendre une décision. Le choix ne s’annonçait pas des plus aisés. Dans le coin droit : la course à pied. Sport le plus ancestral qui soit, simple, universel, et que j’ai secrètement aimé pendant toutes ces années alors que je poussais sur les pédales. Dans le coin gauche : le vélo. Mon premier véritable amour. Mon premier vélo de montagne n’était pas bien loin de mon oreiller, tout juste à côté de mon lit, à portée de main. (Et parfois encore aujourd’hui je l’avoue.)

Or je n’ai jamais aimé les conflits. La décision fut donc que je m’adonnerai aux deux activités. Un armistice en quelque sorte. Pourquoi pas, tout le monde est content. Aller vite sur deux roues et sur deux pieds c’est possible, et cela risque de contribuer à mon bon plaisir. Qui dit plaisir dit succès. Qui dit succès dit et surtout accompli ce qu’il veut. Alors voilà, les deux ce sera.

Pour l’instant, mon menu hivernal se compose à la fois de séances de computrainer, de course à pied et de ski de fond au passage. Un bel équilibre en soi. Mes objectifs de performance eux seront tout autres, mais toujours aussi bien équilibrés. Bien que je ne sois capable de mettre de côté l’idée de la quête de vitesse, les hautes voltiges de la performance devront un tantinet se passer de mon dévouement des plus complets. Je préfère y aller avec l’inspiration du moment, mais toujours avec autant d’ardeur à la tâche.


Avec l’ardeur vient inévitablement un but. Mis à part de poursuivre ma quête de bon temps,  je participerai à diverses compétitions de course à pied en forêt et sur bitume, en plus de celles à vélo de montagne, tout ceci dans un esprit des plus pacifiques à l’égard de la balance de mes plaisirs.  

samedi 21 septembre 2013

All out

J’annonçais avec joie il y a quelque temps que cet automne, j’aspirais à franchir la mythique distance du marathon. Malheureusement, ce ne sera pas le cas.

Ce n’est pas l’envie qui manque. Seulement, mon corps brisé ne suit pas la cadence. Côté cardio, je n’ai rien à me reprocher, et mon mental est plutôt accro aux longues distances. C’est plutôt dans la mécanique que ça casse.

J’ai couru à plusieurs reprises, mais comme de nombreux amateurs, je me suis blessé. D’abord le pied, puis la cheville, et enfin le genou. Désolante contrariété, forfait tout compris au royaume des blessures de course.
C’était bien agréable de jouer à l’homme de Neandertal, de gambader longtemps sans me soucier de mes jambes normalement fidèles à la moulinette.

Mais voilà : ma carcasse est bonne pour un abonnement annuel chez tous les ostéopathes et physiothérapeutes de ce monde.

Heureusement, l’automne c’est le temps des résolutions pour le sportif qui s’entraîne un tant soit peu sérieusement. Ma résolution à moi sera de me lancer dans un remaniement complet de châssis.

Ça fait quelques années que je traine un déséquilibre des hanches, déséquilibre qui s’est dangereusement accentué dans la dernière année. J’ai donc entrepris de ramener à l’ordre ma hanche récalcitrante, en visitant un ostéopathe des plus renommés.

J’ai rencontré ledit ostéopathe il y a une dizaine de jours. Comme j’en ai plus que marre de trainer ce déséquilibre, j’ai averti la praticienne en question que j’étais près à y aller all-out. Que ça prenne un an, que j’ai à maîtriser la split, à m’inscrire à un cours de yoga sur la tête, à manger que du vert en purée, ça ne me dérange pas.  Faut ce qui faut, et je suis prêt. Allez! Fais de moi ton Frankenstein, ta poupée ventriloque, ta créature. Je m’abandonne à tes soins. Le traitement fut mythique.

Dix jours plus tard, je me lève et j’ai mal partout. Tout croche, je peine à marcher 5 minutes sans penser que mon corps a atteint le vénérable âge de 103 ans. Ça fait dix jours que ça s’accentue, que ce qui me sert de corps me fait souffrir.

Mais tiens, cet après-midi, plus de souffrance. Je me sens droit et aligner comme les roues d’un char neuf. Quand je marche, c’est comme si j’étais fraîchement descendu du lift. Eh bien tiens, un petit jogging s’impose. Et hop! 20 minutes bien relax. Mais quelle est cette sensation? Des hanches droites? Fluide et délicieux mouvement, n’abusons pas.


Si tout va bien, je retente l’expérience demain. Ensuite, si tout va toujours comme sur des roulettes, j’abuserai bien volontiers de mes skis, de mes vélos et de tout ce qui me fait pomper un peu de sang et triper au passage. 

jeudi 29 août 2013

Sur deux pieds

Je courrais tout bonnement lorsque vint à moi un de ces moments exquis, que Bouddha aurait qualifié de Nirvana.

Les jambes frétillantes, rien en tête, je gambadais allégrement et savourais les joies de l’effort naturel. Ces moments sont précieux, et comble de bonheur, ils se multiplient alors que j’enchaîne les sorties sur mes deux pieds.

Vous le comprendrez, j’adore courir. J’adore la sensation de retour aux origines primitives. Ce sport a toujours été pour moi très plaisant. Je crois même l’avoir aimé en secret pendant toutes ces années de vélo. Or, pratiquer un sport de haut niveau tel que le vélo de montagne implique certains sacrifices, comme celui de rayer la course à pied des activités estivales. Entraînement oblige.

Mais voilà déjà un petit bout de temps que je ne m’attarde plus à ces contraintes. Depuis, je redécouvre petit à petit mon corps, ce pour quoi il est fait. Pédaler est une activité tout de même plaisante. Mais logiquement, mes jambes sont conçues pour marcher, et ultimement pour courir, sauter, et grimper.

Courir en forêt, c’est zen. Dès que mes pieds foulent un sentier, tout mon être fait appel à ses instincts de chasseurs-cueilleur. Bondis sur la roche. Grimpe. Accélère. Ça tourne, accroche-toi aux arbres. Petites foulées, et hop! Saute le ruisseau. Dévale la pente. Contracte les abdominaux et les cuisses, puis détend le reste. Laisse-toi aller. J’imagine nos ancêtres courir après un bison ou n’importe quelle autre pièce de viande préhistorique, et je comprends un peu mieux nos fonctions motrices.

Courir sur l’asphalte, c’est sportif. En demeurant tout aussi zen, ajoutons les défis du chrono et de la distance. Plus vite et plus loin. Je crois que c’est ce qui nous distingue de nos ancêtres primitifs. Ils n’avaient pas le loisir de s’adonner aux joies de la course. La course faisait partie de leur vie. Nous, nous avons le loisir de jouer avec le temps, avec la distance, de nous lancer des défis adaptés à nos diverses réalités.

Courir un ultra marathon ou s’inscrire à son premier 5 kilomètres? Il y en a pour tous les goûts. Pour ma part, il y a quelques semaines que j’envisage de tenter le mystique marathon. Après quelques semaines d’hésitations, à savoir si mon corps supportera la charge d’entraînement tout en évitant les blessures, j’ai décidé de participer à mon premier 42 km à la mi-octobre, à Rivière-Rouge.

J’aimerais bien franchir le fil des 42,125 kilomètres en dessous des 3h10, voir des 3h05. Peut-être en dessous de 3h, mais pour en arriver à ce chrono, ça me prendra quelques bons gros steaks de bison. Je suis aussi bien de commencer à courir tout de suite pour attraper le plus gros spécimen.

En dehors du marathon, si tout se passe bien, je m’élancerai pour un demi-marathon le 27 octobre, à Magog. D’ici là, je me dévoue à ma foulée, à améliorer sa souplesse, sa fluidité et sa rapidité. Pour ce qui est du vélo, je verrai cet hiver. Peut-être rembarquerai-je dans le merveilleux monde de la course sur deux roues, mais pour l’heure, j’ai un trip sur deux pieds à vivre.  


lundi 12 août 2013

Au merveilleux pays d'Alice

J’apprécie toujours la réaction des gens qui connaissent peu le vélo lorsqu’ils conçoivent l’envergure d’un raid de vélo de montagne. Le moment de jubilation suprême, c’est lorsqu’ils vous étiquettent, en tant que participant, comme cinglé adepte de masochisme et d’hallucinations résultante de l’effort extrême.

Cette fin de semaine, je participais au raid Vélomag, au mont Sainte-Anne. Pour avoir roulé le parcours l’an passé, je savais un peu à quoi m’attendre : environ 2000 mètres d’ascension, 80 km de sentier, et quelques pensées spéciales me trottant dans la tête uniquement lors d’effort extrême. Par exemple : « Comment ça se fait que personne n’a enlevé tous ces cailloux du sentier? C’est pas bien compliqué m’essemble? » Ou encore : « Pourquoi ne t’ouvres-tu pas, satané emballage de barre tendre? J’ai comme un petit creux là, et loin de moi l’idée d’arrêter 2 secondes et demie pour user de mes deux mains. » Poussé à block, on perd parfois la notion du bon sens.

C’était mon troisième raid de l’été, mais non le moindre. J’adore le parcours, du vrai vélo de montagne dans les confins de l’arrière-pays du mont Sainte-Anne. Peu de chemins forestiers, beaucoup de vrais sentiers, et énormément d’occasions d’appuyer sur les pédales.

Jeff, un ami de longue date, me fit l’honneur de m’héberger chez lui, tout juste au pied de la montagne. L’endroit parfait, à moins d’un kilomètre de la station de ski. Jeff, fort sympathique, n’est cependant pas un adepte de vélo. Il s’intéresse tout de même à la chose, puisque les évènements du Vélirum ont lieu tout juste dans sa cour. Aussi, lorsqu’on jase de la coupe du monde et de préparation d’avant course, il est tout étonné du rituel d’avant course qui veut un échauffement de plus de trente minutes pour un effort d’une heure et demie. « C’est pas assez de monter la côte six ou sept fois? Faut en plus qu’avant le départ vous montiez la côte d’asphalte en sprint? »

Sa réaction fut la même, mais d’avantage ébahi, lorsqu’il me vit m’échauffer une trentaine de minutes avant le départ du raid. « Quess tu fais là? Me dit-il d’un air taquin. T’en a pour 80 kilomètres! » C’est un peu comme au grand prix, au tour de chauffe quand les pilotes échauffent leurs moteurs et leurs pneus. Ils savent que ça va partir vite. Idem ici, ça part vite même si la plupart finiront « bunkés », comme on dit dans le jargon. Ça part TOUJOURS vite, et il y en a TOUJOURS qui bunkent.

Comme prévu, ça roule au super sans-plomb dès les premiers instants. Pris dans le peloton, je constate la bravoure de certains : j’en soupçonne plusieurs essoufflés comme des asthmatiques de rouler à un rythme suicidaire. Après quelque temps, ça se calme. Ça se clame toujours. On a tout de même 80 kilomètres à déguster.

Parlant de dégustation, j’ai quelque peu relâché les pédales après un certain temps, histoire de savourer l’effort, et non de le subir. Après une trentaine de kilomètres, un groupe me rattrape, et l’un des poursuivants me demande :

- Qu’est-ce qui se passe? Parti trop vite? Mal au dos?
- Ça va, je profite de la ballade.

 J’allais en profiter comme il se doit. Quelques barres tendres plus tard, je rattrapais les poursuivants en question, plus quelques participants partis prestement. Jusqu’à environ vingt kilomètres de l’arrivée, au sommet de la montagne avant la descente finale, c’était plaisant.

L’ennui, c’est que les derniers kilomètres ne faisaient pas que descendre, et mon dos ne me faisait pas que du bien. À me faire ramener le banc de mon hardtail sur les fesses tout ce temps, j’avais le dos en compote.
Ah oui, et idée suicidaire : je ne suis parti qu’avec deux bidons bien remplis, sans jamais me ravitailler. Ça m’en aurait pris au moins quatre. Mais comme évoquer plus haut, poussé à bloc, plusieurs pensées traversent l’esprit, comme la crainte de s’arrêter cinq secondes pour remplir une gourde.

J’ai souffert les vingt derniers kilomètres. La fin du parcours était vraiment sympathique, mais j’hallucinais presque des melons d’eau juteux et des fontaines de liquide de toutes sortes. J’étais comme en transe, sous l’effet du manque de liquide. Cette virée s’est terminée comme dans un rêve psychédélique, comparable à l’épopée d’Alice au Pays des merveilles.  Les dix dernières bornes, ce sont des vallons sans pitié pour quiconque a atteint sa limite.

Une fois le fil franchi, mes hallucinations derrière moi et le dos bien barré, il me fallut une dizaine de minutes à débarquer de mon vélo. Puis une trentaine pour ingurgiter un tas de trucs comestibles. Et enfin ce qui me sembla une éternité pour pédaler les quelques mètres jusque chez Jeff, où m’attendaient des victuailles un peu plus consistantes.

Je termine 5e toutes catégories confondues, 3h56 minutes de bicyclette. Et je termine aussi ma saison de vélo. D’ici les premières neiges, j’enfilerai un peu plus régulièrement mes souliers de course, histoire de tenter ma chance si tout va bien pour un demi-marathon au mois d’octobre, et quelques compétitions de courses en sentier au passage. Le tout soigneusement hydraté, bien entendu.



lundi 22 juillet 2013

Le sacrifice ultime

La dernière fois que j’ai regardé un championnat canadien de vélo de montagne élite, je crois bien que j’étais d’âge cadet. À cette époque, un extravagant flanqué de souliers orange et arborant des favoris d’une autre époque remportait son premier titre. Ce type coloré, que je ne connaissais pas trop, allait devenir légende.

Quelques titres en poche plus tard, le voilà qu’il tente toujours de décrocher la palme. Rouler dans le même peloton que cet homme membre d’une castre élitiste, c’est tout un honneur. Il est là, en vrai, favoris et guidon proéminent à l’affut. Plusieurs le regardent, le scrutent, observent ses moindres faits et gestes, tentent de décoder la clé de son succès.

Idem pour moi, sauf que cette année, la vue est quelque peu différente. Je me languis dans la zone de ravitaillement, alors que les loups s’élancent sur le parcours. Cruelle perspective.

Observant mes compères déambuler dans cette course qui pour la plupart est la plus importante de la saison, je frétille à l’envie de prendre part à la fête. Je songe à mon niveau de forme tout de même respectable. Je compte les tours, les écarts, les positions. J’encourage des amis qui livrent de solides performances. J’aurais pu être là. Du masochisme.  

Mais le sacrifice en valait bien le coût.

Si je me suis déplacé jusqu’aux championnats sans y prendre part, ce n’est pas par simple idolâtrie envers les dieux des sentiers. J’accompagnais quelques jeunes cadets du club C3/Vélo Pays-d’en-Haut, qui tout comme moi il n’y a pas si longtemps, rêvent devant leurs idoles. J’allais leur servir de chaperon, de guide et de cobaye pour les divers obstacles techniques parsemant le parcours, en plus de leur livrer quelques conseils. Certains qualifient ce travail comme celui d’entraîneur.

Restons modestes : bien que mes démonstrations fussent bien exécutées, je craignais la perspective désastreuse de chuter devant mes protégés. Toute leur confiance en la faisabilité des sections techniques reposait sur mes épaules. Dure responsabilité que celle de cobaye, tout comme celle de convaincre quelqu’un de s’élancer sur un saut alors qu’un papa un peu trop confiant vient d’y exécuter un majestueux vol plané.

Fort heureusement, les jeunes disposent d’habiletés motrices supérieures à celles de la vieillesse. Mes bambins maitrisèrent rapidement le tout, je n’eus point à me risquer pour de multiples exécutions démonstratives.

Aussi, cette perspective face au championnat allait me confirmer une chose : la course me manque déjà, même si je me suis permis de participer à quelques événements depuis ma « retraite ».

Sommes toutes, je ne regrette aucunement ce sacrifice : j’aurai pu guider quelques jeunes, et j’aurai pu me convaincre que le goût de la compétition ne s’estompe pas aussi rapidement qu’on pourrait le croire.


mardi 16 juillet 2013

Des gens spéciaux

Il y a quelques années, ma mère venait parfois me chercher à l’école au volant d’un Westfalia. Devant mes amis, ça flashait. Certains étaient épatés, d’autres trouvaient ridicules le manque de jet set et la grinçante mélodie du moteur. Moi, j’étais bien fier. Et bien heureux lorsque venait le temps de voyager et de visiter mille lieux avec mes sœurs, confortablement assis, sans aucun souci, sauf celui de s’en faire le moins possible. 

Aujourd’hui encore, le véhicule hors-norme fait son office. Il y a maintenant près de vingt ans que nous nous baladons dans ce véhicule baba cool. On ne s’en lasse pas.

Ces deux dernières fins de semaine, je me suis une fois de plus embarqué dans le transporteur familial officiel, question de demeurer bien détendu et de profiter au maximum de ma retraite sportive. La retraite sert bien à se détendre, non ?


Mais tout retraité doit bien sûr demeurer actif. Ne pas sombrer dans la morosité. Le 5 et 6 juillet avaient lieu les coupes du Québec de Camp Fortune à Gatineau. L’envie me prit de m’inscrire aux deux épreuves, un contre-la-montre le samedi et un cross-country le dimanche, histoire de me faire plaisir. Et pour l’occasion, c’est bien détendu dans le Westfalia à 95 km/h vent de dos que je m’embarquais pour la destination. 

Samedi, au contre-la-montre, malgré un départ très lent, je me surpris à décrocher le 4e rang. Pas si mal. Ma plus petite sœur, Alexie, obtenait le 3e rang chez les minimes. Le lendemain, au cross-country, même scénario pour Alexie qui remet ça pour le bronze. Moi, j’allais me livrer à une épique descente dans les cailloux pointus. Ce fut bref, mon pneu et ma roue ne purent encaisser la cadence. Tous deux explosèrent, me laissant comme seule option de redescendre la montagne sur mes deux pieds, chaussés de souliers de vélo, et au final, de quelques ampoules.

Déçu (mais tout de même encore de bonne humeur), j’allais rembarquer dans ledit véhicule pour un décontractant retour au domicile. Mais comble de contrariétés mécaniques, l’engin ne démarrait pas. Allez hop! Groupe : on pousse. Même chose lorsque nous arrêtons faire le plein d’essence. Et curieusement, le fait de voyager dans ce véhicule zen enlève tout souci esthétique, par exemple celui de pousser pieds nus et touts crottés avec mes sœurs la van, elle-même orné de deux vélos à l’avant et deux à l’arrière et d’un joli collant Peace & love. On est loin du Lincoln Navigator remorquant la roulotte de l’année ainsi qu’un petit Jeep pour les déplacements secondaires.


Une semaine plus tard : une autre épopée familiale. Mais cette fois-ci, les vedettes, ce sont ma mère et Jeannie (ma plus vieille sœur). C’est suite à un défi que je leur ai lancé qu’elles participent à leur premier raid en vélo de montagne, pour une distance de 32 kilomètres. Donc direction East Hereford où se tient le raid Jean d’Avignon. Moi, j’allais me coller à l’épreuve de 65 kilomètres.

Je dois le préciser : Jeannie n’est pas la plus grande amatrice de défis sportifs. Or, c’est avec le sourire qu’elle franchit le fil de ces 32 kilomètres, décrochant au passage la 2e position chez les cadettes, en trois heures et des poussières, tout juste suivie de Maman. Pas mal.


Ma mère a toujours eu le dont de trouver des moyens inventifs pour nous motiver. Pour l’occasion, elle avait orné son sac d’hydratation d’une photographie d’un triplé d’ensemble d’abdominaux masculins dignes du plus coriace spartiate. Léonidas peut se rhabiller. Bref, en suivant Maman, Jeannie était bien à l’abri de toute défaillance psychologique. Gageons que l’ornement a su attirer les regards et en motiver plus d’une.
Moi, j’allais encore une fois tester mes limites. Psychologiques cette fois-ci.

Température ensoleillée, temps très chaud. Idéal. Comme prévu, nous sommes partis bien vite. Marc-André Daigle menant la charge dès les premiers instants, nous étions (du moins j’étais) au seuil du tolérable pour une épreuve de trois heures et des poussières.

Les sentiers sont délicieux, ma gourmandise de singletrack rassasiée. Cependant, les goinfres manquant de précautions risquaient de goûter aux contrariétés de multiples crevaisons.  C’est donc prudemment que je descendais les sections techniques truffées de roches.

Mais voilà que les contrariétés se manifestèrent. Mon genou me faisait souffrir, j’avais une envie de pipi, et je chutais trop souvent au goût de mon moral. En plus, je commençais à me parler tout seul à voix haute, ce qui généralement n’est pas bon signe. Après avoir testé sans m’arrêter une technique de soulagement urinaire étudiée chez les pros du Tour de France, je me concentrai à terminer l’épreuve avec le sourire. Heureusement, la dernière portion du tracé empruntait une section de dix kilomètres de descente en singletrack. Les seules mécontentes étaient mes mains, qui durent composer avec la fatigue et des spasmes incontrôlables, surtout lorsque venait le moment de tâter les freins.

Je termine malgré les quelques désagréments en 3e position toutes catégories confondues, pour un temps de 3 heures 24 minutes et des poussières. Marc-André Daigle remporte la palme, suivit de la légende et à la fois mon compatriote d’Espresso Sports Benoit Simard.


La course terminée, c’est le moment d’aller me ravitailler à la cantine du coin. Puis d’attendre l’arrivée de ma mère et de ma sœur. Dans quel état franchiront-elles la ligne ? Et ma sœur pour qui l’intérêt envers les épreuves à vélo était comparable au mien pour les caniches de la reine. Sera-t-elle furieuse? Dégoutée? Franchira-t-elle le fil ? La voilà, debout sur les pédales, pour le sprint final, sourire aux lèvres.

Les endorphines semblent avoir fait leur office. Ma petite sœur y a gouté. Je suis bien fier, d’elle, de ma famille et plus que tout, de notre mode de vie.