lundi 25 juin 2012

Mégalomane


Parfois, quand j’évoque que je viens tout juste de prendre mes aises sur mon vélo de route pour un petit 80 kilomètres de bitumes, les yeux ronds des néophytes en matière de toutes choses vélocipédiques me dévisagent. Deux choses alors se passent : un sentiment de supériorité athlétique s’empare de moi. (Avouez-le, nous autres cyclistes avons tous déjà goûté à cette mégalomanie). Deuxièmement,  ça se devine, ils se réconfortent en visualisant la distance parcourue dans le confort d’une voiture. Imaginez la réaction s’il était question de 80 kilomètres non pas d’asphalte, ni de terre battue et encore moins de pavés du mythique Paris-Roubais, mais plutôt de 80 bornes de sentiers et de single track parcourus à dos de vélo de montagne.

Jouissif. Rien qu’à y songer, j’ai envie de lancer par la fenêtre cette machine à écrire et de me les enfiler ces 80 bornes. Nenni, jours de repos.

J’en viens au fait : le calendrier de course québécois n’a pas dit son dernier mot. Les grosses épreuves de cross country se sont accaparées pas mal toutes mes fins de semaine depuis un bon mois et demi, ne laissant que quelques dates éparses sur ce qui reste de la saison. C’est là qu’arrivent à la rescousse les raids, courses d’endurance soumettant autant le physique que le mental. Joie, plaisir et volupté. 
     
Voici maintenant le scénario à venir d’une fin de saison enivrante : je dirige désormais mon énergie à me préparer en vue du championnat national de raid. En plus, l’événement a lieu cette année dans des sentiers à la mode, soit ceux de St-Raymond-de-Portneuf.  

Une des choses que j’ai apprise avec l’entrainement, c’est qu’il faut y aller progressivement. Le raid Vélomag, voilà l’occasion rêvée de tester et d’aguerrir mes mollets. Les voici, mes 80 kilomètres de « prélassement », où je me confirmerai si je suis apte à enfiler une bonne distance. Mentalement, ça devrait aller. Après avoir participé à l’édition 2009, amicalement surnommée « vélomarde », je n’entretiens plus de craintes. La solitude de l’enfer des chemins boueux, des rivières torrentielles, des lignes d’Hydro sans fin, tout ceci ne m’effraie plus. C’est plutôt le physique qui m’inquiète, quoique ça aille de mieux en mieux. Je complète tout juste ma première semaine de 15 heures de pédalage depuis belle lurette et le genou tient le coup. Du coup, je souris, je ris et je m’amuse un peu plus, tout comme mes bonnes jambes qui semblent reprendre du service.

Je dis qu’il faut y aller progressivement, puisque St-Raymond-de-Portneuf, c’est tout près de 100 kilomètres de sentiers qui dévisageraient le plus pur des néophytes. 97 bornes pour être exact. De quoi me permettre d’abuser un brin de mégalomanie. Un accomplissement qui se glisserait bien dans une conversation de celui qui fait pipi le plus loin, ou tout simplement pour impressionner les foules.

Question d’impressionner, mon début de saison n’a rien d’enviable, quoique j’ai sauvé l’honneur au championnat national la fin de semaine dernière. Je m’y suis bien battu et j’y termine 11e, mieux que l’an dernier où j’avais décroché la 13e position. J’espérais tout de même une 8e place qui m’aurait fourni 20 points UCI et mon billet pour les coupes du monde. Ce sera une prochaine fois.

En attendant, j’ai marqué d’une croix blanche la date du 26 août, celle de l’épique chevauchée de 97 kilomètres, et tel un Jules César, tel un Kanye West, tel un Kadhafi du peloton, je porterai mes plus beaux habits, exhiberai des sourires de douleur aux photographes et impressionnerai tous les « el bo frère » de ce monde.

lundi 4 juin 2012

Séjour agréable


Eh voilà, la série de la Coupe Canada 2012 se termine aussi vite qu’elle a commencé. Trois fins de semaine, trois courses, trois jours inoubliables. Inoubliables de malheurs.

Sans attente, je pris le départ de Tremblant sans réelles ambitions, hormis celle de donner le meilleur de moi-même. J’y termine 17e. Pas si mal.

Après Tremblant, bête que je fus d’espérer. Le deuil n’en fut que plus désagréable. Coup du destin : à Baie-St-Paul, un « jour sans » m’empêcha d’avancer. J’y termine 26e avec une humiliante chute à mon dernier tour, ce qui m’arracha quelques frivoles positions.

Vint la troisième manche à Hardwood Hills. Une malchance inouïe me collait bel et bien aux pneus. Motivé comme un joueur de rugby néo-zélandais, n’ayant absolument rien à perdre, j’ai tout donné. Pour 15 secondes de course. Ce court, mais intense laps de temps écoulé, ma roue avant frotta celles de quelques surexcités qui me devançaient. La témérité de quelques-uns conduisit le peloton dans un tumulte d’acrobaties des plus spectaculaires. Grandiose fut le spectacle. Modeste fut la solidité de ma roue avant. Elle oscillait. Je constate, je m’arrête, je me contrarie. Fin de la partie.



Mais trêves d’amertumes. Parler de mes malheurs n’entraine que déprime et ennui. Attardons-nous plutôt aux bons côtés. De un, j’ai épargné mon genou. De deux j’ai rencontré des gens sympathiques. De trois, j’ai exercé mon anglais qui ne sort pas souvent de son terrier. Yes-no-toaster.

Faute d’avoir été sélectionné par l’équipe du Québec pour ce projet, je dus trouver un autre logis. Heureusement, Sarah Moore (également coureuse élite) et sa famille eurent la bonté de m’amener avec eux.
Nous logions à cinq minutes du site de course, chez un couple de gentils retraités. Et pas n’importe lesquels : la dame fut jadis, dans les années 1990, championne du monde de vélo de montagne chez les 60 ans et plus. Vous avez bien lu.

Autant accueillant est ce couple de sportifs septuagénaires, autant chaleureuse est leur demeure. Blottie au creux d’un bosquet, l'accueillante maison semble tout droit sortie de la Compté, où réside Bilbon Sacquet.
En son intimité, le confortable logis regorge des traces d’un passé sportif des plus glorieux : médailles, trophées et photographies font honneur aux murs. L’air est empreint d’une passion pour le plein air, le sport et la compétition. On y respire la même flamme sportive.  

Outre ces souvenirs, elle est coquettement décorée. Telle une bonne vieille pantoufle, la chambre qui m’est attitrée m’invite au repos. Boiseries, odeur de pin et matelas moelleux vous emportent dans un délicieux sommeil. Avant de m’endormir, je peux même sentir que les draps de flanalette ont été choisis et installés avec bienveillance.

Ces gens sont si charmants qu’ils nous nourrissent comme des rois. Ou plutôt comme des sportifs à la chasse aux glucides. En plus de toutes sortes de bons aliments biologiques, nous sont servis croustades aux petits fruits, brownies et une multitude de petits plats maisons. Vous devinerez qu’ils sont savoureux et préparés avec amour.

Bref, malgré tout, le séjour fut des plus agréables.