Ma victoire cette fin de semaine au raid Vélomag au mont
Ste-Anne a inspiré un journaliste du Journal de Québec, qui en a fait l’objet
d’une chronique imaginaire. Après m’avoir honoré de son interview, un conte
plutôt fictif jaillit de sa plume. Bien que son histoire fût divertissante, je
tiens à raconter l’histoire réelle, afin de remettre les pendules à l’heure.
Voici donc les choses telles que je les ai vécues :
Nous étions trois compatriotes séniors d’Espresso Sports à
prendre le départ. Mes vieux compagnons d’arme Sébastien et Jérémi
m’accompagnaient dans cette aventure.
Avant le départ, fringants et propres |
N’étant pas un habitué de ce type d’épreuve, j’avais bien
hâte de voir comment la ballade se déroulerait. Une chose que je savais, c’est
que nous allions carburer au diesel. J’ai par conséquent prévu de quoi tenir.
Je me suis mandaté de grignoter sans cesse : 2 bananes, 2 powerbars, 2
gels, un paquet de jujubes et un bon bidon de gatorade (en plus de quelques
hectolitres d’eau). C’est tout juste si je n’avais pas prévu une savoureuse paire
de hot dog michigan.
Le départ, plutôt matinal, me convenait parfaitement. Après
une légère mise en jambe, nous partions à 9h30. J’étais plutôt en recul de la
tête, faute d’avoir participé au cumulatif des épreuves de la fin de semaine,
mais je n’ai pas tardé à prendre position parmi les meneurs dès les premiers
coups de pédale.
Après une trentaine de minutes, nous étions quatre en
tête : moi-même et Sébastien (mon coéquipier) rivalisions avec Aroussen
Laflamme (coureur d’Exprezo) et Jamie Lamb (coureur de la Nouvelle-Écosse). Dès
les premières minutes, le rythme assez élevé me surprit, mais je me prêtai tout
de même au jeu.
Le coureur d’Exprezo ne ménageait pas les relances dans les bosses,
si bien que je me demandais comment il tiendrait le rythme jusqu’à la ligne
d’arrivée.
Trois bonnes montées nous attendaient, d’une longueur
respective de huit, quatre et six kilomètres. Vint la première. Lente, humide,
rocailleuse, apique. Ces quelques kilomètres s’attardaient un peu trop à mon
goût sur l’écran de mon GPS. Tout près d’une heure de grimpe. Au début, nous
étions quatre, à la fin, plus que trois. Le fougueux Aroussen ne put
s’accrocher au train.
Pour le reste de la course, du moins jusqu’à l’ascension
finale, nous nous alternions la tête, moi et mon coéquipier. Je peux compter sur les doigts d’une main les
minutes pendant lesquels notre concurrent de la Nouvelle-Écosse prit les
devants. C’est plutôt normal, puisque Sébastien et moi avions l’avantage d’être
unis par nos couleurs d’équipe (et notre camaraderie, bien sûr). À plusieurs reprises,
afin d’affaiblir notre adversaire, Sébastien me laissait partir, moteur diesel
à plein régime, restant en retrait avec l’autre, pour ensuite décoller telle une
fusée pour me rejoindre, minant d’acide lactique les gros jambons du nouvel
écossais. Une vraie locomotive, notre duo d’Espressosports.
Malgré cette épique chevauchée d’équipe, je tenais tout de
même à franchir le premier l’arche d’arrivée.
Je savais très bien que les vingt derniers kilomètres, majoritairement
descendants, convenaient davantage aux pilotes compétents dans la limite de la
perte de contrôle, compétences que Sébastien maîtrise tel un dieu. Par
conséquent, j’ai joué le tout pour le tout dans l’ascension finale, la plus
ardue. J’ai mis toute la gomme, décrochant mes adversaires. Au sommet du mont
Ste-Anne, j’étais seul en tête.
La descente avait un petit quelque chose à congeler les yeux,
surtout quand on se donne comme objectif de toucher le moins possible aux
freins. Jamais de toute ma vie je crois n’avoir atteint de vitesse aussi élevée
sur mon vélo de montagne. Quand j’y repense, je suis reconnaissant à l’égard de
mes pneus qui ont eu l’amabilité de ne pas exploser.
Bref, après les cinq premiers kilomètres dans des pistes de
downhill, les quinze dernières bornes furent quelque peu trompe-l’œil. Certes,
cela descendait, mais juste pas assez pour ne pas relâcher les gaz. En prime,
quelques petites grimpettes n’attendaient que le moment d’achever les vestiges
de toutes réserves énergétiques. Toujours en tête, seul, je n’avais aucune idée
du temps me séparant de mes hardis poursuivants. Mon derrière, souffrant de quelques sauvages enflures
et irritations, me motiva à attaquer debout sur les pédales les dernières
bornes.
Enfin, j’aperçois les pentes et le chalet de ski, la ligne d’arrivée,
et surtout, les chips et les melons d’eau. Mon chrono affiche 3h48. Pas mal.
1er toutes catégories confondues, Sébastien 3e |
C’est rare que je dévore des chips et des peanuts aussi savoureuses.
Aussi, en attendant que mes compères franchissent à leur
tour le fil d’arrivée, je revins sur une pensée qui me trottinait en tête :
Après avoir constaté que nous déambulions à un rythme plutôt
hâtif, que les minutes et les kilomètres s’attardaient sur l’écran de mon GPS,
que mon corps m’envoyait des signaux de détresse, j’ai pensé à tout le reste du
peloton qui passerait derrière nous. Puisque j’avais un peu de temps devant
moi, je me permis le luxe, tout en pédalant, d’émettre quelques hypothèses. Si
je franchis la ligne d’arrivée le premier, non sans un certain supplice
corporel, qu’en sera-t-il de tous ces valeureux qui me suivent ? Vont-ils devenir fous ? Avoir des hallucinations
?
Gagner un raid de 80 kilomètres en 3h48 minutes c’est une
belle performance. Compléter un raid de 80 kilomètres en 6 heures et des
poussières, sans camps d’entrainement ni 700 heures annuelles dans les pattes,
c’est héroïque.
Ces gens-là sont des braves au moral d’acier. Nous, coureurs
dits d’élite, n’avons pas le même mérite. Nous passons notre temps à entrainer
nos jambes pour qu’elles tournent vite et poussent fort. Nous avons tout aussi
mal, simplement moins longtemps.
Bref, à tous les coureurs du dimanche, à tous les sportifs
maîtres, à tous les papas et les grands-mamans à vélo, vous avez mon
admiration. Je vous envie, et je l’espère, j’aurai un jour le même mode de vie
que vous et surtout la même ténacité.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire