mardi 31 juillet 2012

Voir du pays


Ce qui est bien avec les courses de vélo, c’est que ça permet de voir du pays.

Certaines destinations sont désormais traditions. Le voyage annuel vers St-Félicien ne serait pas le même sans une pause pipi à La Tuque. Le voyage vers Gatineau serait monotone sans les fourberies de mon GPS qui, ignorant le nouveau tronçon de l’autoroute 50, me mène tout droit sur un traversier de campagne.

Mais ces destinations, quoique fort plaisantes, deviennent à la longue redondantes. Un peu à l’image du banlieusard qui s’expatrie religieusement chaque été deux semaines à Old Orchard, je monopolise annuellement une bonne part de mon été pour ces activités.    

Or, ma préparation pour le fameux raid Bras-du-Nord m’a convié la fin de semaine dernière en Estrie, grande oubliée par les organisateurs du circuit provincial de cross-country.

Pour m’être délecté l’automne dernier des sentiers paradisiaques qui se trouvent à East Hereford, j’ai eu envie d’y retourner cette année pour participer au raid Jean D’Avignon.

Question de voir du pays, voilà un bien charmant village. Situé en bordure des lignes américaines, au fin fond de l’Estrie, son éloignement de l’autoroute 55 a tout pour plaire aux amateurs de routes de campagnes et aux ermites.

Le départ de l’épreuve avait lieu relativement tôt, sous les coups de 9h le matin. On nous conviait à 7h pour l’inscription, ce qui me conféra le plaisir de conduire ma voiture tout en somnolant, entremêlant bucoliques paysages aux rêveries ayant animé mon sommeil nocturne.

On aurait dit un conte de fées, tellement cela semblait irréel. Les montagnes, tapissées de plantations de sapins tous plus parfaits les uns que les autres, dormaient encore sous la brume matinale. Je n’aurais même pas été surpris de voir surgir des bois une compagnie de nains barbus bucherons au service du Père Noël. Quelque peu contrastant avec la sérénité de ce paysage de carte postale, le tuyau d’échappement défectueux et très bruyant de ma voiture ramena mes pensées à l’ordre. Ce qui fut une bonne chose, compte tenu de l’inquiétude que manifestait ma copilote au sujet des zigzags routiers peu rassurants dont j’étais l’auteur.

Nous sommes arrivés sains et saufs, avec amplement de temps devant nous pour constater que nous avions amplement de temps devant nous, et pour me permettre de me réveiller officiellement.

Heureusement pour mes adversaires, mon organisation pour l’épreuve fut aussi scrupuleuse que l’évacuation des passagers du Titanic, c'est à dire bordélique. J’allais en payer le prix.

Plusieurs contrariétés : Premièrement,  j’avais oublié de charger mon GPS la veille. Or, cet outil s’avère capital dans ce type d’épreuve, compte tenu du fait que les écureuils, malgré toutes les politesses leur étant adressées, ont pour seule réponse de fuir ou de siffler des sottises lorsqu’interrogés sur la distance restante. Peu fiables. Je ne vous les recommande pas.  

Deuxièmement, les organisateurs nous ont prévenus avant le départ que malgré le court trajet (60 kilomètres), notre passage dans une multitude de singletracks des plus techniques allait réduire considérablement la vitesse moyenne. « Attendez-vous à quatre heures pour les vainqueurs », qu’ils disaient. « Prenez garde à telle descente technique, extrême, apique et truffée de lames de rasoir » qu’ils disaient. Avec leurs gros yeux, c’est tout juste si on ne nous a pas mis en garde contre la sorcière du coin et son armée de trolls. Bref, je m’attendais à quelque chose de costaud, un peu plus long que Vélomag.

Une fois le départ lancé, je ne me suis pas assez énervé quand ça le train s’est mis en route. « Laisse-les partir, tu as quatre heures devant toi », je me répétais. Erreur. Après 1h30, ayant rattrapé un junior parti en junior, je le priai de m’informer de la distance parcourue. Exactement 30 kilomètres, me répond-il, tout juste la moitié. Et selon quelques bénévoles en bordure des sentiers, le troisième qui a un peu plus de quatre minutes d’avance sur moi. Oups. Mesdames mes jambes, plein régime, s’il vous plait.

La deuxième moitié de la randonnée fut d’un bon tempo. Loin de moi l’envie de téter les roues, j’y suis allé peu conservateur dans les sections roulantes.

À la ligne d’arrivée, malgré ma déception d’avoir laissé filer les meneurs, j’étais tout de même content de moi. Je termine à un peu plus de 5 minutes du champion Raphaël Gagné, et tout près de 1minute 30 du troisième Alexandre Vialle. Petite parenthèse : ce dernier, disons-le, malgré son jeune âge, avance à un rythme plutôt respectable.

Je termine donc quatrième overall et troisième chez les séniors, pour 2h53 de course, les poches pleines de barres énergétiques et de victuailles de toutes sortes superflues.

Malgré la courte durée de l’épreuve, l’ensemble de l’événement mérite toutes mes recommandations. Autant l’organisation, les paysages, les gentils et dévoués bénévoles, le bon goût des melons d’eau à l’arrivée, tout ceci fut délicieux.  

Ah oui, et pour un village de moins de 300 habitants, pas mal… Tout juste comme si le marathon de Montréal comptait plus d’un million de participants arborant un sourire béat de satisfaction.

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