jeudi 29 août 2013

Sur deux pieds

Je courrais tout bonnement lorsque vint à moi un de ces moments exquis, que Bouddha aurait qualifié de Nirvana.

Les jambes frétillantes, rien en tête, je gambadais allégrement et savourais les joies de l’effort naturel. Ces moments sont précieux, et comble de bonheur, ils se multiplient alors que j’enchaîne les sorties sur mes deux pieds.

Vous le comprendrez, j’adore courir. J’adore la sensation de retour aux origines primitives. Ce sport a toujours été pour moi très plaisant. Je crois même l’avoir aimé en secret pendant toutes ces années de vélo. Or, pratiquer un sport de haut niveau tel que le vélo de montagne implique certains sacrifices, comme celui de rayer la course à pied des activités estivales. Entraînement oblige.

Mais voilà déjà un petit bout de temps que je ne m’attarde plus à ces contraintes. Depuis, je redécouvre petit à petit mon corps, ce pour quoi il est fait. Pédaler est une activité tout de même plaisante. Mais logiquement, mes jambes sont conçues pour marcher, et ultimement pour courir, sauter, et grimper.

Courir en forêt, c’est zen. Dès que mes pieds foulent un sentier, tout mon être fait appel à ses instincts de chasseurs-cueilleur. Bondis sur la roche. Grimpe. Accélère. Ça tourne, accroche-toi aux arbres. Petites foulées, et hop! Saute le ruisseau. Dévale la pente. Contracte les abdominaux et les cuisses, puis détend le reste. Laisse-toi aller. J’imagine nos ancêtres courir après un bison ou n’importe quelle autre pièce de viande préhistorique, et je comprends un peu mieux nos fonctions motrices.

Courir sur l’asphalte, c’est sportif. En demeurant tout aussi zen, ajoutons les défis du chrono et de la distance. Plus vite et plus loin. Je crois que c’est ce qui nous distingue de nos ancêtres primitifs. Ils n’avaient pas le loisir de s’adonner aux joies de la course. La course faisait partie de leur vie. Nous, nous avons le loisir de jouer avec le temps, avec la distance, de nous lancer des défis adaptés à nos diverses réalités.

Courir un ultra marathon ou s’inscrire à son premier 5 kilomètres? Il y en a pour tous les goûts. Pour ma part, il y a quelques semaines que j’envisage de tenter le mystique marathon. Après quelques semaines d’hésitations, à savoir si mon corps supportera la charge d’entraînement tout en évitant les blessures, j’ai décidé de participer à mon premier 42 km à la mi-octobre, à Rivière-Rouge.

J’aimerais bien franchir le fil des 42,125 kilomètres en dessous des 3h10, voir des 3h05. Peut-être en dessous de 3h, mais pour en arriver à ce chrono, ça me prendra quelques bons gros steaks de bison. Je suis aussi bien de commencer à courir tout de suite pour attraper le plus gros spécimen.

En dehors du marathon, si tout se passe bien, je m’élancerai pour un demi-marathon le 27 octobre, à Magog. D’ici là, je me dévoue à ma foulée, à améliorer sa souplesse, sa fluidité et sa rapidité. Pour ce qui est du vélo, je verrai cet hiver. Peut-être rembarquerai-je dans le merveilleux monde de la course sur deux roues, mais pour l’heure, j’ai un trip sur deux pieds à vivre.  


lundi 12 août 2013

Au merveilleux pays d'Alice

J’apprécie toujours la réaction des gens qui connaissent peu le vélo lorsqu’ils conçoivent l’envergure d’un raid de vélo de montagne. Le moment de jubilation suprême, c’est lorsqu’ils vous étiquettent, en tant que participant, comme cinglé adepte de masochisme et d’hallucinations résultante de l’effort extrême.

Cette fin de semaine, je participais au raid Vélomag, au mont Sainte-Anne. Pour avoir roulé le parcours l’an passé, je savais un peu à quoi m’attendre : environ 2000 mètres d’ascension, 80 km de sentier, et quelques pensées spéciales me trottant dans la tête uniquement lors d’effort extrême. Par exemple : « Comment ça se fait que personne n’a enlevé tous ces cailloux du sentier? C’est pas bien compliqué m’essemble? » Ou encore : « Pourquoi ne t’ouvres-tu pas, satané emballage de barre tendre? J’ai comme un petit creux là, et loin de moi l’idée d’arrêter 2 secondes et demie pour user de mes deux mains. » Poussé à block, on perd parfois la notion du bon sens.

C’était mon troisième raid de l’été, mais non le moindre. J’adore le parcours, du vrai vélo de montagne dans les confins de l’arrière-pays du mont Sainte-Anne. Peu de chemins forestiers, beaucoup de vrais sentiers, et énormément d’occasions d’appuyer sur les pédales.

Jeff, un ami de longue date, me fit l’honneur de m’héberger chez lui, tout juste au pied de la montagne. L’endroit parfait, à moins d’un kilomètre de la station de ski. Jeff, fort sympathique, n’est cependant pas un adepte de vélo. Il s’intéresse tout de même à la chose, puisque les évènements du Vélirum ont lieu tout juste dans sa cour. Aussi, lorsqu’on jase de la coupe du monde et de préparation d’avant course, il est tout étonné du rituel d’avant course qui veut un échauffement de plus de trente minutes pour un effort d’une heure et demie. « C’est pas assez de monter la côte six ou sept fois? Faut en plus qu’avant le départ vous montiez la côte d’asphalte en sprint? »

Sa réaction fut la même, mais d’avantage ébahi, lorsqu’il me vit m’échauffer une trentaine de minutes avant le départ du raid. « Quess tu fais là? Me dit-il d’un air taquin. T’en a pour 80 kilomètres! » C’est un peu comme au grand prix, au tour de chauffe quand les pilotes échauffent leurs moteurs et leurs pneus. Ils savent que ça va partir vite. Idem ici, ça part vite même si la plupart finiront « bunkés », comme on dit dans le jargon. Ça part TOUJOURS vite, et il y en a TOUJOURS qui bunkent.

Comme prévu, ça roule au super sans-plomb dès les premiers instants. Pris dans le peloton, je constate la bravoure de certains : j’en soupçonne plusieurs essoufflés comme des asthmatiques de rouler à un rythme suicidaire. Après quelque temps, ça se calme. Ça se clame toujours. On a tout de même 80 kilomètres à déguster.

Parlant de dégustation, j’ai quelque peu relâché les pédales après un certain temps, histoire de savourer l’effort, et non de le subir. Après une trentaine de kilomètres, un groupe me rattrape, et l’un des poursuivants me demande :

- Qu’est-ce qui se passe? Parti trop vite? Mal au dos?
- Ça va, je profite de la ballade.

 J’allais en profiter comme il se doit. Quelques barres tendres plus tard, je rattrapais les poursuivants en question, plus quelques participants partis prestement. Jusqu’à environ vingt kilomètres de l’arrivée, au sommet de la montagne avant la descente finale, c’était plaisant.

L’ennui, c’est que les derniers kilomètres ne faisaient pas que descendre, et mon dos ne me faisait pas que du bien. À me faire ramener le banc de mon hardtail sur les fesses tout ce temps, j’avais le dos en compote.
Ah oui, et idée suicidaire : je ne suis parti qu’avec deux bidons bien remplis, sans jamais me ravitailler. Ça m’en aurait pris au moins quatre. Mais comme évoquer plus haut, poussé à bloc, plusieurs pensées traversent l’esprit, comme la crainte de s’arrêter cinq secondes pour remplir une gourde.

J’ai souffert les vingt derniers kilomètres. La fin du parcours était vraiment sympathique, mais j’hallucinais presque des melons d’eau juteux et des fontaines de liquide de toutes sortes. J’étais comme en transe, sous l’effet du manque de liquide. Cette virée s’est terminée comme dans un rêve psychédélique, comparable à l’épopée d’Alice au Pays des merveilles.  Les dix dernières bornes, ce sont des vallons sans pitié pour quiconque a atteint sa limite.

Une fois le fil franchi, mes hallucinations derrière moi et le dos bien barré, il me fallut une dizaine de minutes à débarquer de mon vélo. Puis une trentaine pour ingurgiter un tas de trucs comestibles. Et enfin ce qui me sembla une éternité pour pédaler les quelques mètres jusque chez Jeff, où m’attendaient des victuailles un peu plus consistantes.

Je termine 5e toutes catégories confondues, 3h56 minutes de bicyclette. Et je termine aussi ma saison de vélo. D’ici les premières neiges, j’enfilerai un peu plus régulièrement mes souliers de course, histoire de tenter ma chance si tout va bien pour un demi-marathon au mois d’octobre, et quelques compétitions de courses en sentier au passage. Le tout soigneusement hydraté, bien entendu.