Il y a quelques années, ma mère venait parfois me chercher à
l’école au volant d’un Westfalia. Devant mes amis, ça flashait. Certains
étaient épatés, d’autres trouvaient ridicules le manque de jet set et la grinçante mélodie du moteur. Moi, j’étais bien fier. Et
bien heureux lorsque venait le temps de voyager et de visiter mille lieux avec
mes sœurs, confortablement assis, sans aucun souci, sauf celui de s’en faire le
moins possible.
Aujourd’hui encore, le véhicule hors-norme fait son office. Il
y a maintenant près de vingt ans que nous nous baladons dans ce véhicule baba
cool. On ne s’en lasse pas.
Ces deux dernières fins de semaine, je me suis une fois de
plus embarqué dans le transporteur familial officiel, question de demeurer bien
détendu et de profiter au maximum de ma retraite sportive. La retraite sert
bien à se détendre, non ?
Mais tout retraité doit bien sûr demeurer actif. Ne pas
sombrer dans la morosité. Le 5 et 6 juillet avaient lieu les coupes du Québec
de Camp Fortune à Gatineau. L’envie me prit de m’inscrire aux deux épreuves, un
contre-la-montre le samedi et un cross-country le dimanche, histoire de me
faire plaisir. Et pour l’occasion, c’est bien détendu dans le Westfalia à 95
km/h vent de dos que je m’embarquais pour la destination.
Samedi, au contre-la-montre, malgré un départ très lent, je
me surpris à décrocher le 4e rang. Pas si mal. Ma plus petite sœur,
Alexie, obtenait le 3e rang chez les minimes. Le lendemain, au
cross-country, même scénario pour Alexie qui remet ça pour le bronze. Moi,
j’allais me livrer à une épique descente dans les cailloux pointus. Ce fut
bref, mon pneu et ma roue ne purent encaisser la cadence. Tous deux
explosèrent, me laissant comme seule option de redescendre la montagne sur mes
deux pieds, chaussés de souliers de vélo, et au final, de quelques ampoules.
Déçu (mais tout de même encore de bonne humeur), j’allais
rembarquer dans ledit véhicule pour un décontractant retour au domicile. Mais
comble de contrariétés mécaniques, l’engin ne démarrait pas. Allez hop!
Groupe : on pousse. Même chose lorsque nous arrêtons faire le plein d’essence.
Et curieusement, le fait de voyager dans ce véhicule zen enlève tout souci
esthétique, par exemple celui de pousser pieds nus et touts crottés avec mes
sœurs la van, elle-même orné de deux
vélos à l’avant et deux à l’arrière et d’un joli collant Peace & love. On est loin du Lincoln Navigator remorquant la
roulotte de l’année ainsi qu’un petit Jeep pour les déplacements secondaires.
Une semaine plus tard : une autre épopée familiale.
Mais cette fois-ci, les vedettes, ce sont ma mère et Jeannie (ma plus vieille
sœur). C’est suite à un défi que je leur ai lancé qu’elles participent à leur
premier raid en vélo de montagne, pour une distance de 32 kilomètres. Donc
direction East Hereford où se tient le raid Jean d’Avignon. Moi, j’allais me
coller à l’épreuve de 65 kilomètres.
Je dois le préciser : Jeannie n’est pas la plus grande
amatrice de défis sportifs. Or, c’est avec le sourire qu’elle franchit le fil
de ces 32 kilomètres, décrochant au passage la 2e position chez les
cadettes, en trois heures et des poussières, tout juste suivie de Maman. Pas
mal.
Ma mère a toujours eu le dont de trouver des moyens
inventifs pour nous motiver. Pour l’occasion, elle avait orné son sac
d’hydratation d’une photographie d’un triplé d’ensemble d’abdominaux masculins
dignes du plus coriace spartiate. Léonidas peut se rhabiller. Bref, en suivant
Maman, Jeannie était bien à l’abri de toute défaillance psychologique. Gageons
que l’ornement a su attirer les regards et en motiver plus d’une.
Moi, j’allais encore une fois tester mes limites.
Psychologiques cette fois-ci.
Température ensoleillée, temps très chaud. Idéal. Comme
prévu, nous sommes partis bien vite. Marc-André Daigle menant la charge dès les
premiers instants, nous étions (du moins j’étais) au seuil du tolérable pour
une épreuve de trois heures et des poussières.
Les sentiers sont délicieux, ma gourmandise de singletrack rassasiée. Cependant, les
goinfres manquant de précautions risquaient de goûter aux contrariétés de
multiples crevaisons. C’est donc
prudemment que je descendais les sections techniques truffées de roches.
Mais voilà que les contrariétés se manifestèrent. Mon genou
me faisait souffrir, j’avais une envie de pipi, et je chutais trop souvent au
goût de mon moral. En plus, je commençais à me parler tout seul à voix haute,
ce qui généralement n’est pas bon signe. Après avoir testé sans m’arrêter une
technique de soulagement urinaire étudiée chez les pros du Tour de France, je
me concentrai à terminer l’épreuve avec le sourire. Heureusement, la dernière
portion du tracé empruntait une section de dix kilomètres de descente en singletrack. Les seules mécontentes étaient
mes mains, qui durent composer avec la fatigue et des spasmes incontrôlables,
surtout lorsque venait le moment de tâter les freins.
Je termine malgré les quelques désagréments en 3e
position toutes catégories confondues, pour un temps de 3 heures 24 minutes et
des poussières. Marc-André Daigle remporte la palme, suivit de la légende et à
la fois mon compatriote d’Espresso Sports Benoit Simard.
La course terminée, c’est le moment d’aller me ravitailler à
la cantine du coin. Puis d’attendre l’arrivée de ma mère et de ma sœur. Dans
quel état franchiront-elles la ligne ? Et ma sœur pour qui l’intérêt envers les épreuves à vélo était comparable au mien pour les caniches de la reine. Sera-t-elle
furieuse? Dégoutée? Franchira-t-elle le fil ? La voilà, debout sur les pédales,
pour le sprint final, sourire aux lèvres.
Les endorphines semblent avoir fait leur office. Ma petite sœur
y a gouté. Je suis bien fier, d’elle, de ma famille et plus que tout, de notre
mode de vie.
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