La dernière fois que j’ai regardé un championnat canadien de
vélo de montagne élite, je crois bien que j’étais d’âge cadet. À cette époque,
un extravagant flanqué de souliers orange et arborant des favoris d’une autre
époque remportait son premier titre. Ce type coloré, que je ne connaissais pas
trop, allait devenir légende.
Quelques titres en poche plus tard, le voilà qu’il tente toujours
de décrocher la palme. Rouler dans le même peloton que cet homme membre d’une
castre élitiste, c’est tout un honneur. Il est là, en vrai, favoris et guidon proéminent
à l’affut. Plusieurs le regardent, le scrutent, observent ses moindres faits et
gestes, tentent de décoder la clé de son succès.
Idem pour moi, sauf que cette année, la vue est quelque peu
différente. Je me languis dans la zone de ravitaillement, alors que les loups s’élancent
sur le parcours. Cruelle perspective.
Observant mes compères déambuler dans cette course qui pour
la plupart est la plus importante de la saison, je frétille à l’envie de
prendre part à la fête. Je songe à mon niveau de forme tout de même
respectable. Je compte les tours, les écarts, les positions. J’encourage des
amis qui livrent de solides performances. J’aurais pu être là. Du masochisme.
Mais le sacrifice en valait bien le coût.
Si je me suis déplacé jusqu’aux championnats sans y prendre
part, ce n’est pas par simple idolâtrie envers les dieux des sentiers. J’accompagnais
quelques jeunes cadets du club C3/Vélo Pays-d’en-Haut, qui tout comme moi il n’y
a pas si longtemps, rêvent devant leurs idoles. J’allais leur servir de
chaperon, de guide et de cobaye pour les divers obstacles techniques parsemant
le parcours, en plus de leur livrer quelques conseils. Certains qualifient ce
travail comme celui d’entraîneur.
Restons modestes : bien que mes démonstrations fussent bien
exécutées, je craignais la perspective désastreuse de chuter devant mes
protégés. Toute leur confiance en la faisabilité des sections techniques reposait
sur mes épaules. Dure responsabilité que celle de cobaye, tout comme celle de
convaincre quelqu’un de s’élancer sur un saut alors qu’un papa un peu trop
confiant vient d’y exécuter un majestueux vol plané.
Fort heureusement, les jeunes disposent d’habiletés motrices
supérieures à celles de la vieillesse. Mes bambins maitrisèrent rapidement le
tout, je n’eus point à me risquer pour de multiples exécutions démonstratives.
Aussi, cette perspective face au championnat allait me
confirmer une chose : la course me manque déjà, même si je me suis permis
de participer à quelques événements depuis ma « retraite ».
Sommes toutes, je ne regrette aucunement ce sacrifice :
j’aurai pu guider quelques jeunes, et j’aurai pu me convaincre que le goût de
la compétition ne s’estompe pas aussi rapidement qu’on pourrait le croire.
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