Lucky Luke tire plus vite que son ombre. À l’instar du cowboy
solitaire, la mienne tend à dégainer plus vite que moi.
Les changements de rythme, ça n’a jamais été mon fort. Un
départ de course de vélo de montagne, ça va plutôt à l’encontre de ma
nature ; passer en une fraction de seconde d’un état d’angoisse passive à
une situation d’accélération sans condition, c’est me faire violence. Certes,
j’ai un bon diesel, mais quand vient le temps de dégainer, bien souvent mon
ombre me devance.
Or, je finis toujours par la rattraper, par l’avoir à
l’usure.
Première course de vélo de montagne en fin de semaine
dernière : C’est encore un peu ce qui s’est produit. Nous étions une
cinquantaine alignés au départ, moi dans les derniers retranchements. Arrivé
dans les derniers au box de départ, j’ai résisté à l’envie de lutter pour une
position à l’avant du groupe. Ma faiblesse sur route de la semaine dernière (voir
précédent article) m’ayant ôté toute confiance de la perspective d’un départ
canon, j’ai préféré récolter les miettes. Bien des coureurs allaient tomber en
cours de route, et j’allais les dépasser un à un comme une mouette ramasse une
à une vos miettes de mc do.
Parlant de mc do, j’ai maladroitement fait violence à mon
estomac trop peu de temps avant le départ. Je lui ai confié le double mandat de digérer un
plantureux bagel aux oignons et fromage et d’éviter de le vomir. Disons que j’étais
en proie à quelques rots redondants.
Bien parti dans ma récolte d’erreurs de cadet, pourquoi ne
pas modifier la position d’une de mes calles 30 minutes avant le départ, me
dis-je. Résultat : mon pied est encore plus désaxé qu'avant. J’allais le constater
peu de temps après le départ.
Je n’aime pas sortir une palette d’excuses, mais les astres
ne s’étaient pas alignés en ma faveur.
Le départ est donné, nous nous élançons sur une belle ligne
droite d’un kilomètre avant d’atteindre le premier single track. Une fois
décollé, docilement, le peloton roule deux par deux, sans accident. Moi je
débute ma récolte et dépasse quelques-uns partis un peu trop promptement.
Pour le reste de ce qui allait être une course de
rattrapage, j’allais sans cesse surveiller mon pied mal enligné qui infligeait
une inquiétante tension à mon genou, et lâcher quelques rots au passage.
Point positif : le parcours était fidèle à la
réputation des tracés ontariens : toujours bien agréables à rouler, mais exigeants
en compétition. Très roulants, sinueux, vallonneux et exempts de roches :
ce sont de véritables montagnes russes où il rarement possible de relâcher les
gaz.
Je conclus le tout au quatorzième rang, avec la même
satisfaction que la mouette qui sait qu’elle n’a pas chipé tous vos sandwichs. J’aimerais
bien dire que je serais allé plus vite sans mon genou mal enligné. Nous ne le
saurons jamais.
La course s’est terminée en même temps que la digestion de
mon bagel. Juste à temps pour avaler un lait au chocolat, gracieuseté de l’organisation.
Parlant de l’organisation : j’ai toujours eu un petit
faible pour les épreuves en sol anglophone. L’aspect communautaire des
événements sportifs est toujours bien plaisant : spectateurs toujours au rendez-vous et ambiance bien sociale. Remarquez, en plus des
nombreux encouragements, de joviaux spectateurs s’étaient donné le mandat de pomper l’adrénaline.
Ils avaient installé un système de son qui crachait son rythme juste avant
la descente finale, digne d’une montagne russe.
C’est sans parler l’odeur de hot dogs et de toutes bonnes
choses à saveur de viande grillée, redondante et s’amplifiant à chaque passage
près de l’aire d’arrivée. La mouette en moi en bavait à chaque tour.
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