jeudi 4 avril 2013

Joker


Je suis un tricheur et je l’assume entièrement.

J’habite un pays sans pitié pour les rêveurs de bitume propre et de sentiers secs. L’appel du chaud climat est plus qu’invitant, il est magnétique.

Or voilà : selon les lois de la nature, j’aurais dû étendre ma saison de ski de fond, pédaler encore sur place, coincé entre quatre murs. Tant qu’à y être pourquoi ne pas faire du ski à roulette dans la noirceur d’un stationnement souterrain, question de devenir fou ? Or, la fourberie s’est encore emparée de moi. Il faut dire que je prends grand plaisir à déjouer les malveillances météorologiques.

Une fois de plus, j’ai traversé la frontière pour pédaler au grand air. Destination : Cape Cod, Massachusetts, pour quelques jours de vélo de montagne.  

Tricherie ? Je considère ça plutôt comme jouer son joker alors que le jeu s’éternise, afin de déjouer toute éventuelle aliénation mentale.

À pareille date l’an dernier, j’avais joué la même carte pour profiter des sentiers de la péninsule qui selon la rumeur sèchent très rapidement en début de saison. Vérifications faites, le séchage du sol est plutôt précoce, et les sentiers paradisiaques. Or, je m’étais blessé au genou, ce qui me confina à l’hôtel, loin du plaisir sur deux roues.

L’idée de répéter ce scénario me plaisait autant que la perspective de rouler nu l’hiver. Comble du bonheur, mon genou a eu la bienveillance de collaborer à mon bon plaisir.

C’est avec une trentaine de membres du club C3/Vélo Pays d’en-Haut que j’ai passé le week-end de Pâques en sol américain, pour la deuxième édition de ce camps d’entraînement appelé à devenir tradition. J’ai donc pu exercer mon art dans de vrais sentiers. Au total : un peu plus d’une quinzaine d’heures à rouler dans du single track à faire rêver, technique à souhait, roulant par bouts, et sinueux. En bref : juste parfait.

Au passage, je me suis livré à quelques entraînements un peu plus spécifiques à la course de vélo de montagne, question de réveiller mes réflexes. Entre autres, avec quelques jeunes du club, nous avons joué à un jeu bien sympathique, soit celui de pratiquer des départs de course. Tout était bien distrayant, jusqu’à ce qu’un cadet se joigne à la partie, étoffant quelque peu le niveau d’acide lactique résultant de chaque intervalle. Les cadets ont la réputation de partir « à bloc » comme on dit. J’étais à bloc. Notez le faciès de mon concurrent sur la photo, vous comprendrez.

Adam Roberge, champion cadet des départs "à bloc"
Question de jouer, nous nous sommes imprégnés de la culture locale, très américaine, pour un jeu à saveur culinaire. Le dernier soir, c’est dans un restaurant au concept digne du prix Nobel de la joie que tout s’est conclu en beauté. Le Brazillian Grill’s est un établissement qui propose un menu des plus alléchants. En plus d’un buffet où vous sont servis toutes sortes de délicieux petits plats, une armée de serveurs circule parmi les tables tout en vous offrant diverses pièces de viandes les plus réconfortantes les unes que les autres : agneau, filet mignon, steak au fromage, cœur de poulet, enrobé de bacon par moment. Et bien sûr, tout ceci à volonté.

Le jeu y est fort simple : il s’agit d’ingurgiter le plus de chair possible. La troupe de jeunes estomacs qui m’accompagnait excellant dans cet art de décimer les troupeaux, je ne serais pas surpris que l’établissement ait frôlé la ruine ce soir-là.

Le lendemain, retour dans le froid et le vent québécois. C’était la dernière carte à mon jeu. Il ne me reste plus qu’à apprécier les nids de poules et mes habits de Neoprene en attendant l’abdication de l’hiver tyrannique.



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