mercredi 12 juin 2013

La colonie

L’or des Aztèques était pour les conquistadors ce que sont les sentiers des Laurentides aux yeux des amateurs de vélo de montagne. Paradis de trésors.

Ce n’est pas un secret, la région recèle de sentiers tous plus invitants les uns que les autres. Normal d’y voir débarquer une manne de cyclistes.

Juste au Chantecler, le stationnement accueille toujours quelques voitures munies de supports à vélo, même en semaine. Beau temps mauvais temps, plusieurs ne se privent pas et prennent plaisir à fouler les sentiers, parfois pleins de boue. Voilà une bien mauvaise habitude.

Mardi après-midi, il pleut. Tiens, l’envie de courir en sentier me prend. Voilà qui tombe pile-poil, considérant les conditions vaseuses et l’interdiction morale et formelle de rouler.

Arrivé dans le stationnement, je crois halluciner. Seule une fourgonnette Giant est stationnée dans le déluge, deux individus suspects attifés de boue et savourant leurs cigarettes rigolent autour de leurs vélos couverts de parcelles de sentiers. Comme première impression, c’est plutôt raté.

- Salut le gars, vous venez juste de rider ?
- ouais, me répond-on. (Et de jeter sa cigarette par terre en plus)
- Ce n’est pas la meilleure idée de rouler aujourd’hui. Ça magane les trails, nous travaillons fort, nous travaillons bénévolement pour entretenir le réseau, et vous n’avez pas d’affaire à rouler quand c’est boueux comme ça.
- Ah...ben c’était pas si pire sérieux. On faisait attention. On shirrait pas dans les curves. On vient de Montréal, on savait pas.
-Bon... (Conservant mon sang-froid) Vous n’avez pas compris : de un, ça magane. De deux, il pleut autant à Montréal qu’ici. De trois, informez-vous avant de venir. Il y a une page Facebook conçue juste pour ça : RVML (Regroupement vélo de montagne Laurentides), vous connaissez ? De quatre, remballez votre stock et revenez quand ça sera sec (c’est-à-dire pas avant quelques jours de beau temps). Ça nous fera plaisir de vous accueillir.

Et le gars travaille pour une compagnie de vélo. Belle image. Au moins, son air navré laissait planer son consentement devant la réprimande. C’est bon, me dis-je, ils ont peut-être compris.
Non. Ils n’ont rien compris du tout.

45 minutes plus tard, je termine mon jogging, ou peut-être devrais-je user du terme natation. Les flots se déchainent, les sentiers ruissellent, moi je coupe à travers bois pour soulager l’écœurement de mon chien qui en avait marre de patauger dans ce mélange de boue et de crotte de cheval.

Tout juste sur la fin, dans la dernière portion de ma course (le bas de l’Érablière pour ceux qui connaissent) sur qui je tombe? Mes deux amis du début. Ils remettent ça, les fripons.

- Les gars, là ça ne marche pas. Soit vous n’avez pas compris, soit vous êtes épais.
- Heu s’cuse nous là. On fait attention sérieux. On shire pas dans les curves.
- Je m’en fou. Vous n’avez pas d’affaires ici aujourd’hui, et je vous prierai de quitter les lieux sinon mon chien va sévir et mordre vos pneus. (Remarquez : c’était du bluff. Il grelotait et n’espérait qu’une seule chose, se blottir contre la chaufferette de ma voiture.)
- Puis on savait pas pour RVML.
- Bien maintenant tu sais. Rvml, RVML, RVML !! Pas compliqué. Tatoue-le toi sur le front s’il le faut.
Voilà le genre de comportement qui risque de faire disparaitre la qualité de nos réseaux.

Ce n’est que question de respect. Respect envers les bâtisseurs de sentiers. Tout ce travail est le fruit du labeur de dévoués et passionnés bénévoles. Il en tient aux usagers de s’assurer que cette passion perdure. Respect également envers la communauté cycliste et sportive qui utilise les réseaux. Au lieu de sombrer dans les abimes du nombrilisme lors d’une journée pluvieuse en roulant malgré la boue, pourquoi ne pas se joindre à une corvée d’entretien du réseau. Ou du moins, s’adonner à une autre activité.

« Ben non, j’aime ben mieux rider dans bouette pi shirrer din curves ! » - un colon -

J’aimerais voir prospérer la qualité des sentiers d’ici 10, 15, 20 ans. Or, si de tels comportements perdurent, je n’ose imaginer d’ici l’an prochain. Nous avons de superbes terrains de jeux, nous disposons de la collaboration de la ville et des propriétaires, nous jouissons du dévouement de bâtisseurs (de sentiers) passionnés.


Évitons la faillite du colonialisme à outrance. Tous sont les bienvenus, mais dans le respect des réseaux. La ressource est là, mais elle n’est pas inépuisable. 

Chuck est bien triste de ce manque de civisme par journée pluvieuse.

mardi 4 juin 2013

Pour le plaisir

Le ciel menace de tomber, le compteur affiche plus de 120 kilomètres, le vent violente chaque coup de pédale. La maison est loin, ma dernière barre de céréale épuisée depuis longtemps, l’optimisme des corbeaux se consolide.

Voilà déjà quelque temps que je cogite sur l’idée d’appeler au secours. Mon genou commençant à s’impatienter, il n’en manquait peu pour que mon téléphone fasse son office. Un bref coup d’œil à mon coéquipier derrière moi ; l’excédent de bave et son regard vitreux m’indiquent qu’il s’accroche, en mode survie. Il reste une soixantaine de kilomètres. C’est bon vieux, assez jouer pour aujourd’hui, j’appelle la cavalerie. Maman, j’ai-faim-venir-me-chercher-m’amener-de-la bouffe-si-vous-plait. En bonne mère, elle obtempère et s’empresse d’arriver à la rescousse, l’auto chargée de gâteaux faits maison. Bénie soit-elle.
 
Dans la voiture, nous constatons notre maladresse : pour une balade de 180 kilomètres dans les terres perdues des Laurentides, partir à bloc la première heure et demie relevait peut-être finalement du suicide. On remet ça le plus tôt possible, et on se traine quelques sandwichs aux œufs pour tenir le coup, nous promettons-nous.

Voilà le genre d’activité à laquelle je m’adonne lorsque j’écoute mes envies immédiates, ce à quoi je me suis livré cette semaine. L’état d’esprit idéal pour méditer sur mes désirs de performance à vélo.  

Le résultat de cette introspection : j’en arrive à la conclusion que je suis mûr pour de nouveaux défis. Longtemps je me suis investi à fond dans le cross country olympique. Jamais je n’ai suffi à mes aspirations, peut-être un brin démesurées. Quelques bons résultats font si aisément miroiter des perspectives de gloire exponentielle sur deux roues. Mais à quel prix ?

Ce prix, mon hypothèque ne me le permet plus. Pour le XCO, je crois avoir fait le tour de la question, et j’en arrive à un moment décisif : l’acharnement jusqu’à écœurement ou la quête du plaisir. Le choix semble simple.

En termes de notoriété, certes, le cross country olympique demeure l’épreuve la plus glamour. Tant pour les fédérations sportives que pour l’olympisme et le spectacle. Mais pas pour mon enthousiasme. Et je le concède, les courtes distances me conviennent tout aussi bien qu’un marathon à un escargot.

Plus les distances s’éternisent, expansive est ma forme, jubilatoire est mon moral. Place aux raids, aux épreuves marathon et aux courses par étapes. Sus aux longs parcours, aux distances démesurées et à l’abus d’effort diesel. Dorénavant, je ne priverai plus, puisque tel est mon bon plaisir.

Ce n’est pas la fin de mon aventure en cross-country olympique, simplement, je fais place à de nouveaux défis. On me verra tout de même grimacer lors de plusieurs épreuves de xco, probablement pour les championnats provinciaux et nationaux, en plus de quelques coupes du Québec. Cependant, l’objectif majeur en sera tout autrement : cette année, je me ferai douceur aux championnats nationaux de cross-country marathon (xcm), en plus de quelques raids. L’an prochain, j’ajoute quelques courses par étapes : BC bike race, Transrockies, pour ne nommer que celle-là.

Ah oui, et comme je ne prive plus de me faire douceur, je foulerai terre, roches et racines pour quelques épreuves de course en sentiers, d’ici la fin de l’été. (Sans roues, et bien sur deux jambes !) Courir en sentier a toujours été pour moi une activité des plus plaisantes. Pourquoi m’en priver?


Enfin, je suis fier d’introduire un tout nouveau commanditaire : Julbo. L’entreprise française fabrique de jolies et surtout performantes lunettes de soleil que j’arbore maintenant avec fierté et bon goût. 

Et bien sûr pour mon bon plaisir.