Froid, gris, humide, venteux : une journée bénie par
tous cinéphiles, une journée bonne à prolonger abusivement toute douceur sous
la couette, une journée que j’aurais trempé du réconfort d’une chaude tisane
plutôt que des tristes violences climatiques. Mais oh, que dis-je, course
vélocipédique au menu. Allez, hop ! Dehors le temps pour les pensées négatives,
gelons-les-nous avec bonne humeur et ravissement. Nous sommes à Baie St-Paul,
deuxième manche de la coupe Canada.
Normalement, ce genre de petits détails météorologique
n’affecte pas l’élite en moi. Une fois de plus, devant la rincée qui s’annonce,
c’est dans un stoïcisme absolu que je revêts mes lycras. Il fait froid, il y a
une course de vélo, et il faut y aller. Allons-y.
L’échauffement débute tout bonnement, je visualise le
départ, allez hop, quelques accélérations, puis un petit pipi au bord de la
route. La routine, quoi. Mais voilà surgir une pensée qui me trottinait depuis
déjà quelque temps en tête : et si c’était la fin ? Le moment de passer à
autre chose ? L’aboutissement d’une quête de dépassement sur deux roues ? Pensée
friponne, va.
Tout juste le temps de chasser ce ruminement ; retour à
l’assiduité mentale. C’est l’heure du départ. C’est l’heure, mais c’est drôle
ça ne me tente pas aujourd’hui. Moins de 30 secondes. Faut-il vraiment que
j’enclenche le chronomètre ornant mon guidon ? Partez. Et tels des
spermatozoïdes, nous nous élançons dans une course endiablée jusqu’à l’orée du
bois. Vite, vite, vite, un seul passera le premier.
Aujourd’hui, j’aurais préféré la vasectomie.
Lorsque je mis pied à terre après 15 minutes de course, une
seule pensée parvint à m’apaiser : celle de la fin de toutes contraintes
élitistes. Mettre un terme à cette vie de moine, purgatoire de mon avarice de
performance sportive.
J’arrête,
terminé la course de vélo. C’est la première chose que je réponds
lorsqu’on me demande ce qui ne va pas. Seul le remède de l’abandon tempérait
mon dégoût envers la course à ce moment-là. Sans un mot de plus, sans braver le
regard de qui que ce soit, j’allais décompresser seul sur la route, le motton
dans la gorge comme on dit. Pour moi, à ce moment précis, c’était clair :
terminé la compétition.
Terminé l’entraînement rationnel, les intervalles, le
computrainer, le chronomètre, les calories, les restrictions de toutes sortes, la
folie de la performance.
Terminé les blessures physiques ; maux de dos incurables
à mes années juniors, charcutage de genou une année, friponne et sournoise
anémie, déséquilibre hormonal, quand ce ne sont pas les tendons qui se font
fragiles, sans compter toutes ces diverses fractures au fil des saisons.
Terminé les blessures psychologiques ; obsession de la
performance, quête de la perfection, rapports sociaux indisposés, malsaine relation
de maître à disciple. Dans mon désir d’être bon, j’ai cédé à une époque
peut-être un peu trop de responsabilités aux mains d’un entraîneur.
Pour l’heure, je m’offre un temps de réflexion. Avant que
l’envie de siéger sur mon vélo ne me quitte éternellement, je me fais cadeau de
ce qu’il me plaira bien de faire sur deux roues. Une petite vite de 30 minutes
ou une ballade de cinq heures ? Pas de problèmes. Cette semaine, mes envies
spontanées dicteront la nature de mes sorties.
À cet instant bien précis, je souhaite bien poursuivre mon
engagement auprès des jeunes du club C3/Vélo Pays-d’en-Haut. Le club a vu le
jour l’an dernier, et d’accompagner cette jeunesse dans son développement me
fait bien plaisir.
Pour le reste, parlant de plaisir, l’an dernier je m'en suis découvert un pour les épreuves d’endurance. Peut-être continuerai-je dans cette
voie, pour les voluptés résultant de l'effort prolongé. La saison de raids débute dans trois semaines dans
la région de Charlevoix, et je ne manquerai pas de m’y faire douceur. La délicieuse
perspective du raid Bras-du-Nord de Saint-Raymond au mois de septembre pourrait
très bien accoter le régal du dernier raid Vélomag.
D’ici une semaine, j’espère que mon choix à savoir de
quelle manière je poursuivrai à me faire plaisir sur deux roues se dessinera. Aujourd’hui,
il fait beau, alors pourquoi pas une sortie épique à vélo de route dans les
confins des routes laurentiennes, tiens...